La légende de Gun


Une légende chinoise ancienne raconte comment un personnage du nom de Gun lutta contre les hautes eaux qui s'abattaient sur le pays. 

Un jour les hautes eaux s'élevèrent jusqu'au ciel. En ce temps-là, le quatrième empereur Yao régnait et il dit ceci : "Oh ! quatre monts sacrés! immense est la crue des hautes eaux qui s'élèvent jusqu'au ciel! elle gonfle et enveloppe les montagnes, engloutit les collines. Le peuple des basses terres est dans le malheur. Qui pourrions-nous envoyer pour remédier à telle situation?" - Tous répondirent : "Gun en est capable!" - Yao dit : "Gun enfreint les ordres et parle mal de ses semblables. C'est impossible!" Les chefs des quatre monts répliquèrent : "Revenez sur votre décision. Essayez-le toujours et s'il ne convient pas de l'utiliser, vous le renverrez. " Aussi Yao se rangea-t-il à l'avis de ceux-ci, il utilisa donc les compétences de Gun. Pendant neuf ans, celui-ci œuvra au service de Yao, mais sans obtenir aucun résultat. Il déroba les terres vivantes de l'empereur afin d'endiguer les eaux. Il n'écoula pas les ordres de celui-ci et, de plus, la tâche surpassait de beaucoup ses faibles capacités. 

Ses échecs le menèrent à recevoir un châtiment. Shun, le cinquième empereur, vint et demanda à son prédécesseur Yao que Gun fût banni au mont Yu. L'empereur ordonna à Zhurong de le tuer dans les parages du mont. Zburong était le directeur du feu et lorsqu'il mourut, il devint l'esprit du feu. Après sa mort, Gun donna naissance à Yu. Gun fut l'objet de culte de trois dynasties. Le père de Yu faillit être un héros. Ses échecs permirent à celui-ci, Yu le Grand, de briller d'un incomparable éclat. Il accepta de prendre la place de son père et servit le souverain qui l'avait fait mettre à mort. Son oeuvre la plus éminente consista à remettre de l'ordre dans les terres immergées sous les hautes eaux. Yao mourut. L'empereur Shun demanda au quatre monts sacrés: "Y a-t-il quelqu'un qui soit capable d'accomplir en beauté les tâches fixées par Yao? Je l'installerais dans sa fonction". Tous répondirent: "Le comte Yu est ministre des travaux publics, il est apte à accomplir en beauté les œuvres de Yao. - "Fort bien!" dit Shun, et il donna cet ordre à Yu : "Vous régulariserez les eaux et la terre. A cela vous consacrerez tous vos efforts." Yu était un être perspicace, serviable, capable et laborieux. Il ordonna à tous les seigneurs et aux cent familles de lever les hommes en masse afin de procéder à une division des terres. Il parcourut les montagnes et incisa les arbres, il détermina les monts vénérables et les rivières nobles. Il fut très affecté par l'échec de son défunt père Gun qui avait reçu un châtiment. Cette tâche accabla son corps et accapara toutes ses pensées, il resta dehors pendant trente ans et lorsqu'il passait devant chez lui, il n'osait point entrer. Vêtu et nourri médiocrement, il faisait preuve d'une piété sans faille envers les revenants et les esprits. Pour se déplacer sur terre, il prenait un char, pour voyager sur l'eau, il montait dans un bateau. De la main gauche, il tenait le niveau et le cordeau; de la main droite, le compas et l'équerre. 

C'est ainsi qu'il divisa les neuf provinces, qu'il fit communiquer les neuf voies, qu'il endigua les neuf lacs et pris la mesure des neuf montagnes. Alors Yu combla les eaux débordées avec de la terre vivante. Il aplanit les monts Kunlun afin d'en abaisser les terres. Shun envoya Yu ouvrir un passage aux trois fleuves et aux cinq lacs. Il fit convenablement communiquer et s'écouler sans interruption les canaux pour qu'ils se jettent dans la mer Orientale. Les eaux débordées s'égouttèrent peu à peu et les neuf provinces s'asséchèrent. Les peuples innombrables jouirent tous de la paix retrouvée.

Les dieux des corporations



Le confucianisme prônant le culte des ancêtres amena la vénération et, pour les inclure dans la religion, la déification de tous ceux qui, par leurs découvertes, étaient à l’origine d’un nouveau métier. Dans toutes les professions, on honorait celui ou celle qui était considéré comme l’ancêtre de la profession. On lui consacrait souvent un temple, et sa fête était l’occasion de réunir tous les membres de la guilde. Le dieu des menuisiers était Lu Ban, qui aurait vécu au début du Ve siècle avant JC, qui aurait crée la plupart des instruments de menuiserie et aurait su fabriquer des automates, dont un oiseau capable de voler. Alors qu’il grimpait sur une pente, il se coupa le doigt en s’accrochant à des herbes ; étonné qu’une herbe puisse entamer la peau, il l’examina et remarqua que le bord n’en était pas lisse mais dentelé, ce qui lui donna l’idée de la scie. Il était aussi le dieu des maçons car c’est lui qui aurait construit le pont de Zhaozhou.

Celui des cultivateurs et des marchands de thé était Lu Yu, qui vécut sous la dynastie des Tang. Abandonné de ses parents, il fut élevé par des bonzes et c’est sans doute d’eux qu’il apprit les vertus de ce breuvage, car, à l’imitation des bonzes de l’Inde, ceux-ci buvaient du thé pour garder l’esprit clair au cours de leur méditations. Après avoir parcouru la Chine pour étudier les différentes sortes de thés, il se retira dans la province du Zhejiang pour y écrire son « Classique du thé » (cha jing), où il expliqua ses propriétés, ses différentes qualités, ses lieux de production, ses variétés, les façons de le préparer et de le boire. Les marchands de thé avaient souvent une statue de lui dans leur boutique, traditionnellement en porcelaine. Le thé prit une importance particulière car il faisait partie des cadeaux de la famille du fiancé à celle de la fiancée, si bien que décider un mariage s’appelait « accepter le thé » ou « la cérémonie du thé » et qu’un personnage du roman « Rêves au pavillon rouge » dit à une jeune fille : « Tu as bu le thé dans notre foyer, comment ne serais-tu pas la belle-fille de notre famille ! ». Un disciple demandait à un maître de l’accepter en lui présentant une tasse de thé, et celui-ci signifiait son acceptation en la lui prenant des mains.

Le dieu des fabricants de vin et d’alcool était Du Kang, qui était en fait Shao Kang, celui qui rétablit le pouvoir de la dynastie Xia après l’usurpation de Han Zhuo et régna de 2079 à 2057 avant JC ; c’était un des personnages à qui on attribuait la découverte de la fermentation.

Les potiers ne vénéraient pas un seul dieu, mais sept. Dans leurs temples, les trois principaux était l’empereur mythique Shun, inventeur de la poterie, Lao Zi, qui fabriquait du cinabre dans un chaudron et protégeait la cuisson, et le dieu du Tonnerre (Lei Gong), qui devait assurer du beau temps pour que le bois soit bien sec. Les quatre dieux secondaires étaient celui des Montagnes (shan shen), celui du Sol (Tudi gong), la terre étant la matière première essentielle, le dieu des Chevaux (ma shen) et celui des Buffles (niu shen), à cause de l’importance des transports pour obtenir les matériaux et vendre la production. En fait cette trinité flanquée de quatre dieux a dû être crée sur le modèle des trois bouddhas du Passé, du Présent et du Futur, assistés des quatre dieux-gardiens des orients. Les charbonniers vénéraient eux trois dieux, celui du Sol, celui des Montagnes et celui de la Poterie, considérés par eux comme un seul personnage.

Le dieu des constructions  hydrauliques et des eaux était Erlang Shen, mais cette appellation est ambiguë, car elle signifie simplement « le deuxième fils ». Il s’agit ici de Li Bing, gouverneur de la province du Sichuan sous le roi Zhao du royaume de Qin dans l’antiquité, qui divisa le cours supérieur d’un affluent du Yangtse en plusieurs bras et permit d’irriguer la plaine de Chengdu  et d’y éviter les inondations. Il combattit le dragon de cette rivière en se transformant comme lui en buffle ; mais ne parvenant pas à le vaincre, il recourut à l’aide de son assistant ; il se mit une ceinture blanche et dit qu’il se tiendrait du côté sud, ce qui permit à l’assistant de le reconnaître et de trancher la tête du dragon. On identifie parfois Erlang shen à son fils qui continua son œuvre. On dit aussi que Erlang shen, avec la même fonction, était Zhao Yu, qui avait cultivé le Tao sur le mont de la Ville Pure (Qingchen shan) au Sichuan et qui, gouverneur d’une région où sévissait un dragon terrible, se fit accompagner d’un millier d’hommes faisant résonner des tambours sur les rives, se jeta dans l’eau avec une hallebarde, ressurgit en brandissant la tête du dragon, mais disparut ensuite dans la rivière. Il fut donc vénéré pour s’être sacrifié pour son peuple. Suivant les régions, il y a beaucoup d’autres divinités de l’eau, mais qui sont inconnues en dehors de leur localité. Il ne faut pas confondre le Erlang shen, appellation de Li Bing ou Zhao Yu, avec le Erlang shen frère de la déesse du mont Huashan et guerrier céleste que l’on retrouve dans le roman « Le Voyage en Occident » ; ni avec Yang Jian, le Erlang shen du roman « L’investiture des dieux », qui avait trois yeux et le pouvoir de se transformer, de monter au ciel, d’entrer dans la lune.

Les deux sages Mei et Ge (Mei Ge er sheng) étaient, dans la plupart des régions, les patrons des teinturiers et des imagiers qui imprimaient des images de nouvel an en couleurs. Coexistent deux mythes sur ces dieux. . D’après l’un, il s’agissait de deux amis qui vivaient à une époque où les hommes ne connaissaient que la toile écrue et les peaux de bêtes. Un jour, l’un d’eux tomba par accident dans une rivière aux eaux boueuses et ensuite ne réussit pas à laver son vêtement, qui était devenu jaune. Il en avertit son ami et ainsi aurait découvert la teinture jaune à partir de certaines terres. Il trouvèrent ensuite d’autres colorants, toujours par accident : des vêtements mis à sécher sur une branche et tombés sur l’herbe se tachèrent en différents endroits : les colorants végétaux étaient découverts. Un soir où ils se soûlaient ensemble, l’un d’eux cracha par inadvertance dans une jarre à teinture et le tissu pris un bleu magnifique : ils avaient découvert le colorant tiré du ferment de vin. L’autre mythe dit que Mei et Ge n’étaient pas des hommes, mais une prune (mei) et une sorte d’oiseau (ge niao). Un empereur mécontent de ne pas avoir un vêtement de couleur rouge pour se distinguer des gens du peuple, mettait à mort les artisans, incapables de le satisfaire. Pour sauver ses collègues, un vieillard trompa le souverain et prétendit y parvenir si on lui laissait du temps. Mais la date approchait et il n’avait rien trouvé quand il remarqua que le jus d’une prune teintait le bec d’un oiseau et il eut l’idée d’en tirer une teinture. Il sauva ainsi les autres artisans et ceux-ci voulurent l’honorer ; mais il refusa, déclarant que c’était l’Empereur du Ciel qui avait envoyé deux immortels sous forme d’une prune et d’un oiseau ; c’est donc à eux qu’on éleva un temple.  

Il y en avait bien d’autres : Taishang Laojun était le dieu des orfèvres, car, dans son chaudron aux Huit Trigrammes, il faisait fondre la drogue d’immortalité, le cinabre ou oxyde de mercure ; Can Jie, inventeur de l’écriture, était celui des scribes et greffiers ; Cai Lun, inventeur du papier, celui des fabricants de papier ; Song Jiang, chef des brigands du roman « Au bord de l’eau », celui des voleurs ; et, merveilleux exemple de syncrétisme religieux, Matteo Ricci, le missionnaire italien qui avait apporté des techniques occidentales, celui des fabricants et réparateurs de montres à Shanghai.                

L’Empereur Wenchang


Dans toutes les villes de Chine ou presque, il y avait un temple ou au moins un autel dédié à l’empereur Wenchang qui régnait sur une constellation formée de six étoiles à côté du Boisseau  du Nord et qui était chargé de la promotion des humains. Ce dieux était surtout vénéré par les lettrés fonctionnaires dont il commandait la réussite.

A la fin du IIIe siècle avant JC, à la chute de la dynastie Qin (206 av JC), la Chine était en proie aux rivalités de chefs de guerre qui voulaient refaire l’unité de l’empire à leur profit, Wenchang demanda à l’empereur du Ciel de s’incarner pour aider le futur fondateur de la dynastie Han. C’est ainsi qu’il naquit dans la famille de l’empereur Gaozu des Han et fut nommé prince de Zhao. Mais l’impératrice Lü le fit exécuter avec sa mère. Au milieu du Ier siècle, Wenchang s’était aperçu que sa mère s’était réincarnée comme l’épouse d’un paysan pauvre nommé Zhang, dans une région où l’impératrice Lü et les membres de sa famille étaient devenus des animaux de fermes. Le vieux Zhang, n’ayant plus de fils, se coupa le bras, versa le sang dans le creux d’une pierre qu’il recouvrit et fit le vœu, si un animal naissait de son sang, de l’adopter comme son héritier. Wenchang décida alors de s’incarner sous la forme d’un serpent doré, que la femme de Zhang, ramena à la maison et éleva. Au bout d’un an, une corne et des pieds poussèrent sur le corps de ce serpent, qui se mit alors à dévorer les moutons, les cochons et les chiens des environs, réincarnations de l’impératrice Lü et de ses parents et fidèles. 

Les paysans du village se plaignirent, puis finirent par enfermer le vieux Zhang et sa femme. Rendu fou furieux par cela, le serpent provoqua un typhon au cours duquel tous les habitants furent tués, soit plus de deux mille personnes. Mais ainsi il était allé au-delà de sa vengeance et avait provoqué la mort accidentelle de nombreux innocents. Aussi fut-il condamné à devenir le dragon d’un lac qui ensuite se dessécha ; de petits vers se logèrent entre ses quatre vingt quatre milles écailles, le mordillant et le faisant cruellement souffrir. Remonté au Ciel après cette épreuve, l’empereur Wenchang fut assisté  du Sourd Céleste et du Muet Terrestre, grâce à qui ceux qui savent ne peuvent pas parler et ceux qui parlent ne peuvent pas comprendre, de façon que les voies du Ciel restent impénétrables.     

La légende de Bi Gan

Deux étoiles célestes sont particulièrement chargées des examens officiels des lettrés fonctionnaires. L’une des examens civils, Wenquxing, qui est la quatrième étoile dans la constellation du Boisseau du Nord, et l’autre des examens militaires, qui est la sixième étoile de cette même constellation. Quand de grands fonctionnaires ou de grands généraux apparaissent sur terre, ils seraient des incarnations de l’une ou l’autre de ces étoiles. Ce serait le cas du juge Bao, modèle d’intégrité, et de Bi Gan, ministre du dernier empereur des Shang pour Wenquxing ; et du général Di Qing pour Wuquxing. Bi Gan avait osé faire des remontrances à son souverain, tyran sous le charme de l’incarnation d’un esprit-renard devenu sa concubine. Il s’agissait d’une vengeance de Nüwa, à qui l’empereur avait fait subir un affront. Pour se débarrasser du ministre rabat-joie, la concubine fit semblant d’être gravement malade et prétendit que seul pouvait la guérir un médicament préparé avec un cœur spécial comme celui de Bi Gan.

L’empereur n’hésita pas à exiger le sacrifice de son ministre. Bi Gan avait reçu d’un magicien un papier de charme qu’il ne devait ouvrir qu’en cas d’extrême nécessité ; il y lut alors la prédiction de ce qui lui arrivait et le moyen d’y remédier : il devait brûler cette feuille de papier, en absorber les cendres et il pourrait survivre tant que personne ne lui dirait qu’on ne peut pas vivre sans cœur. Il suivit la prescription et quand il se rendit au palais pour s’arracher le cœur et le remettre à l’empereur, son sang ne coula pas et il put sortir du palais. Mais sur le chemin du retour il rencontra la sœur de la concubine ; celle-ci au courant du stratagème qui avait sauvé la vie à Bi Gan, s’était déguisée en marchande et criait qu’elle vendait des légumes sans cœur. Intrigué, Bi Gan lui demanda ce qu’étaient ces légumes. Elle lui répondit : « ce sont des légumes morts car une planta pas plus qu’un homme ne peut vivre sans cœur ». Bi Gan alors tomba, mort. Il est resté un modèle des ministres courageux, des censeurs inflexibles, qui n’ont pas peur de s’emporter contre la tyrannie d’un souverain et qui en même temps, vassaux fidèles, acceptent de sacrifier leur vie plutôt que de fuir.

Planètes, constellations et étoiles dans l'organisation céleste chinoise


Les planètes et étoiles occupent une place bien particulière dans l’organisation céleste chinoise. Les Chinois avaient remarqué ainsi que Jupiter mettait douze ans pour revenir à la même position dans le ciel à la même heure (c'est-à-dire à faire le tour du soleil). Ils avaient donc divisé le ciel en douze parties, chacune correspondant à la position de Jupiter par rapport à une constellation. Mais Jupiter se déplace d’ouest en est, alors que les constellations vont d’est en ouest. Aussi ont-ils crée un corps stellaire purement imaginaire qui se déplacerait dans le sens des constellations, donc dans le sens inverse de celui de Jupiter, et à la même vitesse. 

Cette planète fictive fut appelée Taisui, et elle se trouvait au nord quand Jupiter était au sud, ou à l’ouest quand Jupiter était à l’est, toujours exactement à son opposé dans le ciel. Comme il était évidemment impossible de la voir, on croyait qu’elle prenait la forme d’une boule de chair qui se déplaçait sur la terre en suivant le mouvement de Taisui dans le ciel. D’après le roman L’Investiture des dieux, l’épouse du dernier empereur des Shang aurait été enceinte en marchant sur l’empreinte d’un pied géant et aurait donné naissance à une boule de chair, que l’empereur ordonna de jeter dans la banlieue, mais qui fut protégée par des animaux. Un taoïste en la fendant permit à un enfant, Yin Jiao, d’en sortir. Celui-ci fut ensuite allaité par une immortelle. Voulant venger sa mère, qui avait été cruellement mise à mort à l’instigation d’une concubine, il se battit aux côtés du futur empereur Wu contre son père et la tua.

Autre exemple, la planète Vénus (Taibai xing) avait pour les taoïstes un caractère féminin : sur les fresques du temple de Yonglo, dans la province du Shanxi, qui datent du XIVe siècle, elle est peinte sous les traits d’une femme tenant un luth. Sous la dynastie Han, on croyait que c’était elle qui décidait des guerres ; à partir des Ming, elle est figurée comme un vieillard qui apporte la paix. Dans la religion populaire, elle est peinte comme un personnage masculin, fils de l’empereur céleste Bai ; elle représente l’élément métal et l’ouest. Elle fait partie des sept luminaires, constitués par les planètes qui représentent les Cinq Eléments plus le Soleil et la Lune. Parfois on ajoute certaines étoiles pour former onze luminaires. Ce sont ces luminaires qui se répartissent les malheurs suivant les jours de l’année si on enfreint les interdits liés au calendrier, mais heureusement mentionnés dans les almanachs. L’immortel Dongfang Shuo est parfois considéré comme une incarnation de cette planète. 

Pour renforcer le prestige de certaines étoiles particulièrement importantes, les milieux taoïstes, puisque leur religion était aussi une astrologie, ont créé la Mère des Boisseaux qui aurait enfanté les sept étoiles du Boisseau du Nord, l’étoile qui régit la constellation Gou-chen, et celle qui régit la constellation Ziwei. Pour faire concurrence au bouddhisme ésotérique et à la statue de Guanyin aux nombreux bras et yeux, elle était représentée, sur le modèle de Marîcî, avec trois yeux, quatre visages, huit bras, deux mains dessinant des  mudra, les six autres tenant le soleil, la lune, un sceau (insigne de commandement), une étoile, une hallebarde et un arc. Mais elle n’eut jamais l’imprtance de ses fils ni de son homologue bouddhique. Elle aurait été à l’origine l’épouse d’un roi qui n’avait pas d’enfant et elle aurait fait vœu de lui en donner. Un jour en se baignant dans un étang où poussaient des lotus d’or, elle sentit une impression étrange, et neuf boutons apparurent sur un des plants de lotus, d’où sortirent ses neuf enfants.   

Parmi les corps célestes néfastes Taisui est le plus craint. On disait qu’il ne fallait jamais se dresser face à lui ou lui tourner le dos (ce qui voulait dire se dresser en face de Jupiter), car cela entraînerait une maladie grave ou la ruine de la famille. Il était interdit de construire par exemple un bâtiment quelconque dans la direction de Taisui, car cela eut été le troubler et on risquait, en creusant, de trouver une boule de chair, ce qui aurait provoqué une catastrophe. Il ne fallait pas non plus voyager, déménager dans cette direction. L’année où Taisui traversait la constellation sous laquelle on était né était fort dangereuse, et on déposait alors une lampe à huile dans un temple supposée représenter la personne en danger qui se mettait ainsi sous la protection des dieux.

Un autre corps céleste maléfique était l’étoile du Tigre Blanc (Baihu). Assoiffée de sang, elle ne pouvait être apaisée que par des offrandes sanglantes. Elle était particulièrement dangereuse pour les femmes enceintes, qu’elle faisait avorter, et les nouveaux-nés. Elle présidait aux guerres et, dans le palais impérial, la salle des réunions concernant les opérations militaires s’appelait la Salle du Tigre Blanc. Néfaste pour le commun des mortels, elle pouvait ainsi devenir une alliée des gouvernants.

L’étoile du Chien Céleste (Tian Gou), en fait une constellation ou une comète suivant les textes, était toujours pernicieuse ; c’est elle qui dévorait la Lune lors d’un phénomène que d’autres appellent une éclipse. D’un point de vue astrologique, ces étoiles étaient surtout malfaisantes, non pas tant en elles-mêmes, que par leur position à certains moments par rapport aux autres astres, d’où l’importance des almanachs, qui l’indiquaient. Elles pouvaient aussi s’incarner : les cent huit bandits du roman Au bord de l’eau étaient considérés comme des incarnations de telles étoiles venues troubler la paix sociale.