Comprendre le Tao (Dao)


Le Tao (Dao, qui signifie Voie) occupe en Chine le coeur de la pensée philosophique et religieuse : il est la valeur suprême, la norme fondamentale. Les inscriptions sur bronze de la dynastie des Tcheou au Xème siècle avant notre ère nous rappellent que Tao désigne d'abord au sens propre un chemin. Le terme vient par extension à exprimer une façon de procéder, la voie que l'on suit, l'ordre que l'on observe. C'est ainsi que l'on peut parler du Tao  en un sens non absolu, comme le Tao de la nourriture, le Tao du Ciel, ou encore le Tao de Confucius désignant par là, respectivement, la bonne façon de se nourrir, l'ordre céleste ou la doctrine du Maître, car le Tao peut aussi signifier "dire" ou "parler".

Le Tao est conçu comme un principe unique, antérieur même au Ciel, président de la genèse de l'univers. Selon une inclinaison partagée de l'imaginaire chinois à concevoir le monde en termes de processus et de transformations, et non en termes de formes idéales ou d'essences, le tao désigne de façon absolue le cours des choses , où plutôt le principe dynamique qui le régule. Notons que jamais toutefois, par différence avec l'idée de nature en Occident, ne lui sont attribués un comportement personnel, des traits humains ou une quelconque intentionnalité. Le modèle démiurgique de création du monde est quasiment inexistant en Chine.

Transcendant, indéterminé, parfois apparenté au néant, le tao ne saurait faire l'objet d'une perception pour les sens ou d'une représentation pour la conscience. Il échappe au monde phénoménal qu'il engendre, tout en ne cessant de l'animer. Les textes canoniques par excellence de la pensée taoïste, le Lao-tseu et le Tchouang-tseu (vers les IVème siècle et IIIème siècles avant JC) le célèbrent comme le fondement de l'univers, le modèle de la conduite impartiale, et l'approchent par toutes sortes de métaphores : "Ancêtre suprême", "Femelle obscure", "Racine du Ciel et de la terre".

Le Dao imprégnant tout l'existant, le taoïste se doit d'y faire retour mais aussi de savoir s'adapter à son cycle spontané vers le non-agir.

Le Canon taoïste



Le premier inventaire officiel des écritures taoïstes, présentées à la Cour en 437, fut dressé par Lu Xiujing (406-477). L'auteur rassembla et ordonna les ouvrages en trois sections, les "3 grottes" (Sandong), et exclut les textes des Maîtres célestes, probablement parce qu'ils étaient déjà réunis dans un recueil, la Zhengyi fawen (Textes statutaires de l'Un orthodoxe), qui prit place dans la classification générale lorsque, au VIème et VIIème siècles, furent ajoutés les "4 Suppléments" (Sifu). La répartition en sept sections ainsi établie fut reprise dans la première édition du Canon à l'époque Tang (748) et maintenue dans les compilations suivantes (époques Song, Yuan et Ming) qui inclurent progressivement les ouvrages de nouveaux courants.

La subdivision du Canon en "3 Grottes" servait initialement à distinguer les ouvrages de trois courants doctrinaux différents :

- la "Grotte du Vrai" (Dongzhen) avec les textes de la Suprême Pureté centrés sur les techniques de méditation,
- la "Grotte du Mystère" (Dongxuan), avec les textes du Joyau magique centrés sur le rituel,
- la "Grotte de l'Esprit" (Dongshen), avec les textes de la tradition des Trois Augustes (Shanhuang) centrés sur l'emploi des talismans, des formules sacrées, des techniques divinatoires et des exorcismes.

Les 4 Suppléments furent divisés de la façon suivante :

- La "Section du Grand Mystère" (Taixuan Bu), rattachée à la "Grotte du Vrai" et constituée de textes centrés sur le Daode jing,
- La "Section de la Grande Paix" (Taiping Bu), rattachée à la "Grotte du Mystère" et constituée de textes fondés sur le Taiping jing (Livre de la Grande Paix),
- La "Section de la Grande Pureté" (Taiqing Bu), rattachée à la "Grotte de l'Esprit" et constituée de textes d'alchimie et de manuels de techniques de longévité,
- La "Section de l'Un orthodoxe" (Zhengyi Bu), constituée des textes des Maîtres célestes.

Le Daozang (dépot du Dao) désignait donc à l'origine l'ensemble des textes conservés dans les centres taoïstes, puis il s'appliqua aux versions du Canon patronnées par la cour impériale. La version actuelle du Canon est le Da Ming Daozang jing (dépôt des écritures taoïstes de la grande dynastie Ming), connu aussi sous le nom de Canon de l'ère Zhengtong (1436-1450).

En effet en 1406, le Maître céleste Zhang Yuchu (1361-1410) fut chargé par Ming-Yongle qui régna de 1403 à 1425 de réaliser un nouveau recueil officiel. Achevé en 1445 et imprimé en 1447, le Canon Ming réunit quelques 1500 ouvrages, de longueur variable : textes de l'école taoïste et commentaires correspondants, oeuvres révélés, littérature des différentes écoles (manuels de méditation et de liyurgie, textes médicaux et alchimiques, ouvrages hagiographiques et cosmologiques, livres de divination, d'astrologie, registres monastiques et annales de sites sacrés). Preuve de l'ouverture et de la souplesse du taoïsme. Le Canon comprend aussi des textes qui se rattachent au bouddhisme, au confucianisme et à d'autres écoles philisophiques anciennes.

Le Qi (le Tch'i) chez les Taoïstes



Notion essentielle du taoïsme, le souffle est une énergie diffuse dans tout l'univers et qui constitue le principe de formation de toute réalité. A son degré le plus raffiné, le Qi constitue l'énergie morale et spirituelle d'une personne. Il y a ainsi continuité entre le corps et l'esprit, tous deux n'étant que des productions différenciées du souffle vital. Ni matériel ni spirituel le Qi traverse le clivage classique en Occident entre les phénomènes physiques et mentaux. L'homme est une configuration d'énergie, un être capable d'agir sur le Qi afin de ralonger son temps de vie, voire d'échapper à la mort.

En tant que pratiques thérapeutiques et spirituelles, les arts du souffle oeuvrent à la santé, au sens où cette dernière désigne l'accroissement de la puissance vitale et le développemment optimal des potentiels de l'organisme. L'adepte doit nourrir et faire circuler en lui le tch'i sous sa forme la plus pure et expectorer les souffles pernicieux. Il se soumet pour cela à une ascèse émotive et affective, pour atteindre un état de calme profond, comme l'y enjoint le livre de Laozi. La pratique aujourd'hui du Qigong (exercices de travail sur le souffle pratiqué à l'origine par les taoïstes) a considérablement rendu populaire ce concept.

Le terme Daoyin (guider et tirer) désigne les techniques de gymnastique thérapeutique dont la fonction première est de favoriser la circulation harmonieuse du souffle (Qi) à l'intérieur du corps qui visent à préserver une bonne santé et obtenir une vie longue.

Les techniques de longévité, que l'on retrouve dans la médecine chinoise traditionnelle chinoise, sont dans le cadre du perfectionnement spirituel des exercices de purification préparant aux plus hautes pratiques de réalisation. Comprenant la  gymnastique, les massages, les prescriptions sexuelles et diététiques et des méthodes respiratoires, elles visent à préserver l'équilibre psychophysique, partant du présupposé que la vie dépend du souffle (Qi).

Le souffle est donc une énergie universelle qui imprègne tout, les forces vitales peuvent être réintégrées de l'extérieur par "l'ingestion du Qi" (Fuqi) ; en revanche, celles qui consistent à "retenir le Qi" (Bibi) et à le faire circuler (Xingqi) servent à favoriser la circulation harmonieuse du souffle dans lese" canaux énergétiques.

La structure architecturale du temple-monastère bouddhique


Le temple monastère bouddhique a joué un rôle essentiel dans la pénétration du bouddhisme en Chine et dans son rayonnement. Le lieu de culte toujours associé à une activité économique, le temple adopta les règles d'organisation architecturales propres à la Chine (carré, symétrie orientée, horizontalité), puisqu'il se présentait comme le lieu de représentation d'une administration céleste. Mais il apporta  la verticalité de ses pagodes, comme il renouvela, dans le domaine artistique, la statuaire.
 
C'est par milliers que l'on compta les monastères bouddhiques lors des périodes glorieuses de cette religion, mais c'est aussi par milliers qu'on les détruisit en des temps de persécution et de condamnation. Il reste donc peu de temples très anciens ; c'est pourquoi on peut citer les deux plus anciens qui subsistent sur le territoire chinois et fréquemment visités : le Nanchan si (VIIIème siècle) et le Foguan si (IXème siècle) sur le Wutai shan (Shanxi). Par ailleurs le style  de construction évolua : les dynasties des Ming et des Qing furent marquées par un grand développement de l'ornementation. Le plan le plus répandu, prépondérant à partir de la dynastie des Tang, comprend trois groupes longitudinaux de bâtiments orientés selon l'axe Nord-Sud, l'entrée du monastère étant située au Sud.

Le groupe central est le seul accessible, les deux autres étant les logements des moines ou des édifices à usage administratif. Sur l'axe médian, on trouve successivement : un mur écran contre les démons ; la grande porte d'entrée, avec les statues des deux gardiens et, parfois, de chaque côté, la tour de la Cloche et la tour du Tambour, ainsi que deux piliers hexagonaux ou ronds, gravés d'incantations bouddhiques ; la salle des quatre Rois célestes, protecteurs du monde et de la loi bouddhique, qui gardent les quatre points cardinaux ; la salle principale, laquelle abrite l'autel central, qui présente, faisant face au fidèle, une statue du Bouddha Sakyamuni, ou encore une triade bouddhique ; derrière cet autel, tournée dans la direction opposée, une statue de Guanyin ; tout autour de la salle sont représentés les arhat ; enfin, on rencontre, après la salle principale, une construction à deux étages, avec une salle de méditation ou une salle de la Loi au rez-de-chaussée et une bibliothèque à sûtras au premier étage. 

Le culte des ancêtres en Chine


Le culte des ancêtres est fondé sur de très anciennes croyances selon lesquelles l'homme est animé par des forces, des énergies et des souffles vitaux. Non seulement ceux-ci ne disparaissent pas après la mort, mais si ils sont correctement et fidèlement nourris, ils survivent pour posséder bientôt un caractère céleste, quasi-devin, qui rejaillit sur leur descendance terrestre. Au fil d'un temps mesuré à l'aune de la mémoire humaine, l'individualité de l'ancêtre s'estompe et il s'en va rejoindre la masse indistincte des esprits. les mal nourris vont quant à eux, gonfler les cohortes des fantômes errants ou furieux. C'est au cours de banquets que sont célébrés l'alliance et le partage entre les vivants et les morts, le monde visible et invisible.

Les sociétés aristocratiques Shang puis Zhou étaient organisées autour du culte rendu aux ancêtres du lignage. Chaque lignage faisait fabriquer les vases rituels destinés à des cérémonies où se retrouve toute la lignée. Ces cérémonies complexes au rituel immuable, s'organisaient autour d'un repas auquel les ancêtres étaient censés assistés ; on leur faisait des offrandes de nourritures diverses (viandes et céréales) et de boissons alcoolisées consommées et servies en libations. Les ancêtres étaient supposés disposer de pouvoirs considérables susceptibles de favoriser ou d'anéantir la prospérité de leur lignée. Du respect scrupuleux des rites dépendait le succès des guerres et la fortune du clan.

Des mages ou des membres du lignage recevaient et traduisaient la parole des défunts et leurs intentions à l'égard de leurs descendants. Au moment de l'inhumation d'un membre de la lignée, des vases rituels dont le nombre varie en fonction du rang, sont inhumés avec le défunt pour qu'il puisse aussi dans l'au-delà accomplir les rites dédiés à ses ancêtres. De magnifiques ensembles de la vaisselle du sacrifice ou des services de communion de la Chine ancienne nous sont parvenus sous la forme de vases de bronze destinés à recevoir les mets préparés et le vin des banquets ancestraux.

A l'époque des Shang, des fidèles et des serviteurs du souverain sont immolés et inhumés en même temps que lui. Les cérémonies funéraires rassemblaient le clan et ses alliés. A partir de l'époque des Royaumes combattants, le culte des ancêtres demeure mais les offrandes sont plus dédiées au profit du donateur qu'aux mânes familiales.

Rangées dans le Citang, sorte de tabernacle, à droite du tabernacle familial (Jiatang), destiné aux dieux protecteurs de la famille, les tablettes d'ancêtres étaient honorées par des offrandes de bâtonnets d'encens et de petits cierges, que l'on faisait brûler ou que l'on allumait à l'occasion des cérémonies familiales (naissances, mariages) et des fêtes du calendrier. On y ajoutait alors d'autres offrandes, par exemple des galettes, des abricots pour la fête du Nettoyage des tombes, du riz nouveau pour la fête des Murs et des Fossés (Chenghuang), dont les dieux protégeaient les villes et les villages, des fleurs de chrysanthèmes le 9ème jour du 9ème mois, une fête que l'on célébrait par des beuveries, des expositions de chrysanthèmes et des promenades sur les hauteurs.

Aujourd'hui encore en Chine de nombreuses familles rendent hommage aux ancêtres notamment à l'occasion des fêtes, mariage et naissance. En effet, malgré révolutions et modernité, le culte est demeuré vivace dans les pays chinois et sinisés. Lors de la fête des Morts, célébrée tous les 5 avril, les familles chinoises ont conservé la coutume de se rendre sur les tombes de leurs ancêtres pour y partager leur repas avec les esprits ancestraux.