Le Vrai Classique du Sud Fleuri, un texte fondateur du taoïsme



Ecrit par Zhuangzi, auteur contemporain aux Royaumes combattants (453-221 av JC) et l'un des père fondateur du taoïsme, Le Vrai Classique du Sud Fleuri (aussi nommé Zhuangzi, comme son auteur), fournira à la Chine non seulement une réserve inépuisable de réflexions sur le pouvoir, le language, la culture de soi et les rapports entre l'homme et la nature, mais aussi une source d'inspiration intarissable pour les littérateurs, les poètes et les peintres chinois pendant plus de deux millénaires.

Cette oeuvre en 33 chapitres, est divisée en trois sections : les chapitres intérieurs (1 à 7), les chapitres extérieurs (8 à 22) et les chapitres mixtes (23 à 33).

Dès les premiers mots de son texte, Zhuangzi donne le ton et met en scène des données fondamentales de la cosmologie chinoise. Le poisson émergeant de l'Obscurité du Grand Nord n'est autre que le symbole du yin en proie à la mutation qui fait advenir en son sein le yang à mesure qu'il se transforme en oiseau et s'élance vers la lumière du Sud. N'oublions pas que le Nord, l'Obscur, dans le taoïsme, est le lieu de l'indistinction et du chaos d'où provient et où tout fait retour. Le titre du premier chapitre est révélateur car chez Zhuangzi, l'Homme Véritable s'affranchit des pesanteurs rituelles et conventionnelles propres au confucianisme, en s'adonnant à la randonnée intérieure afin d'être de plain-pied avec la source
du dynamisme des êtres, le principe de toute chose : le Dao.

Seule la "grande connaissance" peut opérer ce retour vers l'indifférencié par l'ascèse, dont l'extase n'est pas absente et dont le but est le perfectionnement de soi, et conduire l'adepte à faire de son énergie vitale qi (le soufffle qui constitue le cosmos) une force spirituelle shen qui n'est autre que celle qui anime l'univers.
En ce sens, Le Vrai Classique du Sud Fleuri, texte où le thème de la transformation de soi occupe une large place, deviendra, au même titre que le recueil d'aphorismes du célèbre Laozi, le classique de la Voie et de la vertu, un vade-mecum aussi bien à l'usage des lettrés que des moines, et ceci jusqu'à nos jours. En effet, c'est dans Le Vrai Classique du Sud Fleuri que sont abordés certains thèmes centraux de la démarche de perfectionnement de soi (gongfu) comme la spontanéité, la non-dépendance ou le non-agir, qui mettent en jeu des pratiques telles que la "méditation assise" ou le "jeûne de l'esprit".

Autant de "recettes" qui ont pour but l'union "au ressort céleste", métaphore désignant la dimension active et dynamique du Chaos primordial et de l'Origine. Dans le taoïsme, les pratiques psycho-physiologiques sont destinées à développer une perception intériorisée, l'oeil et l'ouïe communiquent par l'intérieur, un entendement qui se passe de concepts et permet à l'individu d'accéder à un état de réceptivité exceptionnelle dans lequel il peut échapper à la fragmentation de la conscience résultant de l'usage trivial de la pensée et des sens. Le type de réceptivité que développe ainsi l'adepte du taoïsme lui
octroie une liberté qui ne consiste pas échapper à la causalité déterminante de la nature, mais au contraire à ne faire qu'un avec la spontanéité de la mutation incessante qui oeuvre au sein de la réalité.

C'est cet oubli volontaire de la réflexion qu'illustre la célèbre histoire du cuisinier Ding ou Zhuangzi nous montre que la maîtrise de la découpe d'un boeuf passe par la même spontanéité apprise que celle exigée lorsqu'on veut accéder aux mystérieux dynamisme qui préside au mouvement des êtres.

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