Les immortels sont des êtres humains qui ont su se fondre avec le Dao, incarnant l'idéal taoïste le plus haut. Dès la fin des Royaumes combattants apparaissent des descriptions romanesques du paradis des immortels que l'on rejoint en fermant les yeux. Il faut cependant attendre Ke Hong (283-343 après JC) et son texte "Maître qui embrasse la simplicité", au IVème siècle pour que se constitue une typologie.
Selon lui, l'existence des immortels n'est douteuse qu'à l'homme empêtré dans la perception étroite de ses sens et qui ignore les prodigieuses métamorphoses de la nature. Cette figure prend vraiment consistance à une époque où la Chine est politiquement désunie : face à l'éthique sociale, discrète et limitée du sage confucéen, émerge un nouveau projet fondé sur le retrait de la vie publique, la reconnaissance de l'échec des arts de gouverner au profit d'une construction de soi où l'expérience et l'essai tiennent lieu de vie.
Ke Hong distingue ainsi trois types d'immortels : les "célestes" agents de la Suprême Souveraineté ; les "terrestres" qui circulent librement entre les mondes et n'ont cure de servir ; les immortels enfin "qui se sont délivrés de leur cadavre" et dont on ne retrouve, en fossoyant leur tombe, que sandales et canne.
Tous sont morts et se sont transformés. Les hagiographies relatent à l'envi leurs métamorphoses ou leur disparition, signes tangibles qu'ils ont rejoint la source vive du réel. Qui sont-ils? Ils n'ont pas de statut social défini, peuvent être marchands ou paysans. On les trouve partout : dans le mobilier, sur les miroirs, dans la religion populaire comme dans l'élite lettrée. Si les huit Immortels forment à partir du XIVème siècle un groupe homogène d'hommes et de femmes (certains ont réellement existé), ce sont le plus souvent, conformément à l'étymologie, "des hommes des montagnes" qui explorent les ciels qui s'ouvrent dans les grottes, herborisent, réduisent pierres en poudres et transmettent des arts, des diagrammes ou des signes qui à leur tour immortalisent.
Leurs pouvoirs sont nombreux : ils sont endurants, rapides, restent jeunes, contrôlent hommes et bêtes, sont guérisseurs, exorcistes, devins. Certains ont le don d'ubiquité, peuvent devenir invisible ou même voler. Mais ce sont surtout des maîtres en métamorphoses. Il donnent à lire enfin dans leur rencontre l'instabilité foncière des choses et personnalisent la transformation de soi et celle corrélative du monde. Il est rare qu'on naisse immortel. On le devient plus sûrement. A cette fin, tout est bon : l'alchimie, la cueillette des simples, les techniques respiratoires, la méditation des tables et des talismans...On peut aussi randonner au gré des occasions ou donner libre congé au savoir et privilégier l'inconscience que procurent alcools et drogues. Tout concours dans cette quête à une dispersion de soi au profit d'une union avec le Tao.
Les demeures des Immortels peuvent être situées dans des îles mythiques ou sur le sommet d'une montagne. Au nombre de ces lieux figurent le mont Kunlun, résidence de la Reine Mère de l'Occident (la Reine des Immortels), et l'île Penglai, qui, avec Fabgzhang et Yingzhou, deux autres îles mythiques, est située dans les eaux orientales.