Planètes, constellations et étoiles dans l'organisation céleste chinoise


Les planètes et étoiles occupent une place bien particulière dans l’organisation céleste chinoise. Les Chinois avaient remarqué ainsi que Jupiter mettait douze ans pour revenir à la même position dans le ciel à la même heure (c'est-à-dire à faire le tour du soleil). Ils avaient donc divisé le ciel en douze parties, chacune correspondant à la position de Jupiter par rapport à une constellation. Mais Jupiter se déplace d’ouest en est, alors que les constellations vont d’est en ouest. Aussi ont-ils crée un corps stellaire purement imaginaire qui se déplacerait dans le sens des constellations, donc dans le sens inverse de celui de Jupiter, et à la même vitesse. 

Cette planète fictive fut appelée Taisui, et elle se trouvait au nord quand Jupiter était au sud, ou à l’ouest quand Jupiter était à l’est, toujours exactement à son opposé dans le ciel. Comme il était évidemment impossible de la voir, on croyait qu’elle prenait la forme d’une boule de chair qui se déplaçait sur la terre en suivant le mouvement de Taisui dans le ciel. D’après le roman L’Investiture des dieux, l’épouse du dernier empereur des Shang aurait été enceinte en marchant sur l’empreinte d’un pied géant et aurait donné naissance à une boule de chair, que l’empereur ordonna de jeter dans la banlieue, mais qui fut protégée par des animaux. Un taoïste en la fendant permit à un enfant, Yin Jiao, d’en sortir. Celui-ci fut ensuite allaité par une immortelle. Voulant venger sa mère, qui avait été cruellement mise à mort à l’instigation d’une concubine, il se battit aux côtés du futur empereur Wu contre son père et la tua.

Autre exemple, la planète Vénus (Taibai xing) avait pour les taoïstes un caractère féminin : sur les fresques du temple de Yonglo, dans la province du Shanxi, qui datent du XIVe siècle, elle est peinte sous les traits d’une femme tenant un luth. Sous la dynastie Han, on croyait que c’était elle qui décidait des guerres ; à partir des Ming, elle est figurée comme un vieillard qui apporte la paix. Dans la religion populaire, elle est peinte comme un personnage masculin, fils de l’empereur céleste Bai ; elle représente l’élément métal et l’ouest. Elle fait partie des sept luminaires, constitués par les planètes qui représentent les Cinq Eléments plus le Soleil et la Lune. Parfois on ajoute certaines étoiles pour former onze luminaires. Ce sont ces luminaires qui se répartissent les malheurs suivant les jours de l’année si on enfreint les interdits liés au calendrier, mais heureusement mentionnés dans les almanachs. L’immortel Dongfang Shuo est parfois considéré comme une incarnation de cette planète. 

Pour renforcer le prestige de certaines étoiles particulièrement importantes, les milieux taoïstes, puisque leur religion était aussi une astrologie, ont créé la Mère des Boisseaux qui aurait enfanté les sept étoiles du Boisseau du Nord, l’étoile qui régit la constellation Gou-chen, et celle qui régit la constellation Ziwei. Pour faire concurrence au bouddhisme ésotérique et à la statue de Guanyin aux nombreux bras et yeux, elle était représentée, sur le modèle de Marîcî, avec trois yeux, quatre visages, huit bras, deux mains dessinant des  mudra, les six autres tenant le soleil, la lune, un sceau (insigne de commandement), une étoile, une hallebarde et un arc. Mais elle n’eut jamais l’imprtance de ses fils ni de son homologue bouddhique. Elle aurait été à l’origine l’épouse d’un roi qui n’avait pas d’enfant et elle aurait fait vœu de lui en donner. Un jour en se baignant dans un étang où poussaient des lotus d’or, elle sentit une impression étrange, et neuf boutons apparurent sur un des plants de lotus, d’où sortirent ses neuf enfants.   

Parmi les corps célestes néfastes Taisui est le plus craint. On disait qu’il ne fallait jamais se dresser face à lui ou lui tourner le dos (ce qui voulait dire se dresser en face de Jupiter), car cela entraînerait une maladie grave ou la ruine de la famille. Il était interdit de construire par exemple un bâtiment quelconque dans la direction de Taisui, car cela eut été le troubler et on risquait, en creusant, de trouver une boule de chair, ce qui aurait provoqué une catastrophe. Il ne fallait pas non plus voyager, déménager dans cette direction. L’année où Taisui traversait la constellation sous laquelle on était né était fort dangereuse, et on déposait alors une lampe à huile dans un temple supposée représenter la personne en danger qui se mettait ainsi sous la protection des dieux.

Un autre corps céleste maléfique était l’étoile du Tigre Blanc (Baihu). Assoiffée de sang, elle ne pouvait être apaisée que par des offrandes sanglantes. Elle était particulièrement dangereuse pour les femmes enceintes, qu’elle faisait avorter, et les nouveaux-nés. Elle présidait aux guerres et, dans le palais impérial, la salle des réunions concernant les opérations militaires s’appelait la Salle du Tigre Blanc. Néfaste pour le commun des mortels, elle pouvait ainsi devenir une alliée des gouvernants.

L’étoile du Chien Céleste (Tian Gou), en fait une constellation ou une comète suivant les textes, était toujours pernicieuse ; c’est elle qui dévorait la Lune lors d’un phénomène que d’autres appellent une éclipse. D’un point de vue astrologique, ces étoiles étaient surtout malfaisantes, non pas tant en elles-mêmes, que par leur position à certains moments par rapport aux autres astres, d’où l’importance des almanachs, qui l’indiquaient. Elles pouvaient aussi s’incarner : les cent huit bandits du roman Au bord de l’eau étaient considérés comme des incarnations de telles étoiles venues troubler la paix sociale.