La légende de Bi Gan

Deux étoiles célestes sont particulièrement chargées des examens officiels des lettrés fonctionnaires. L’une des examens civils, Wenquxing, qui est la quatrième étoile dans la constellation du Boisseau du Nord, et l’autre des examens militaires, qui est la sixième étoile de cette même constellation. Quand de grands fonctionnaires ou de grands généraux apparaissent sur terre, ils seraient des incarnations de l’une ou l’autre de ces étoiles. Ce serait le cas du juge Bao, modèle d’intégrité, et de Bi Gan, ministre du dernier empereur des Shang pour Wenquxing ; et du général Di Qing pour Wuquxing. Bi Gan avait osé faire des remontrances à son souverain, tyran sous le charme de l’incarnation d’un esprit-renard devenu sa concubine. Il s’agissait d’une vengeance de Nüwa, à qui l’empereur avait fait subir un affront. Pour se débarrasser du ministre rabat-joie, la concubine fit semblant d’être gravement malade et prétendit que seul pouvait la guérir un médicament préparé avec un cœur spécial comme celui de Bi Gan.

L’empereur n’hésita pas à exiger le sacrifice de son ministre. Bi Gan avait reçu d’un magicien un papier de charme qu’il ne devait ouvrir qu’en cas d’extrême nécessité ; il y lut alors la prédiction de ce qui lui arrivait et le moyen d’y remédier : il devait brûler cette feuille de papier, en absorber les cendres et il pourrait survivre tant que personne ne lui dirait qu’on ne peut pas vivre sans cœur. Il suivit la prescription et quand il se rendit au palais pour s’arracher le cœur et le remettre à l’empereur, son sang ne coula pas et il put sortir du palais. Mais sur le chemin du retour il rencontra la sœur de la concubine ; celle-ci au courant du stratagème qui avait sauvé la vie à Bi Gan, s’était déguisée en marchande et criait qu’elle vendait des légumes sans cœur. Intrigué, Bi Gan lui demanda ce qu’étaient ces légumes. Elle lui répondit : « ce sont des légumes morts car une planta pas plus qu’un homme ne peut vivre sans cœur ». Bi Gan alors tomba, mort. Il est resté un modèle des ministres courageux, des censeurs inflexibles, qui n’ont pas peur de s’emporter contre la tyrannie d’un souverain et qui en même temps, vassaux fidèles, acceptent de sacrifier leur vie plutôt que de fuir.