Le Yijing, le livre des mutations


Le Yijing (Livre des Mutations) occupe une place centrale dans le taoïsme mais est aussi l'un des des Cinq Classiques confucéens. Manuel de divination et livre de sagesse, il a été composé par étapes successives entre la fin des Zhou occidentaux (1050-770 av JC) et les Royaumes Combattants (453-221 av JC). Il s'organise autour de soixante-quatre hexagrammes, permutations de six lignes pleines ou brisées. A chaque figure sont attribués un nom et une formule oraculaire ; chacun des six traits de l'hexagramme est caractérisé par un oracle.

Le Yijing inclut en outre sept commentaires distincts, parmi lesquels trois se subdivisent en deux pour former les Dix Ailes. Les hexagrammes, leurs noms et oracles constituent le Zhouyi (Mutations des Zhou) ; le Zhouyi et les Dix Ailes, le texte canonique du Yijing.

La tradition attribue l'ouvrage à l'inspiration conjointe de quatre sages : Fuxi, le roi Wen, le duc de Zhou et Confucius ; ils auraient constitué les figures, formulé les oracles, et rédigéles Dix Ailes. 

Un tel développement, linéaire et idéal, n'est pas corroboré par les sources archéologiques. L'étude de l'élaboration du Zhouyi est cependant malaisée dans la mesure où le processus de formation des figures mantiques est incertain et l'agrégation des oracles pose problème. Issu d'une tradition de devins reprise par des scribes royaux pour s'inscrire dans un enseignement de sagesse, ou projet d'emblée politico-moral sous-tendu par l'activité spéculative de lettrés, le Zhouyi tend, sous la période des Printemps et Automnes (722-481 av JC) à s'affranchir de la tradition divinatoire dont il est probablement issu pour former une rationalisation du changement.

C'est l'adjonction progressive des Dix Ailes vers le IIIème siècle avant JC qui marque la systématisation de l’œuvre et son intégration aux mouvements cosmologiques contemporains. Les figures et formules attachées sont interprétées sous un angle philosophique ; réplique de l'univers, le sage y lit le monde et ses transformations.

Les traits constitutifs des hexagrammes, brisés et pleins, deviennent images respectives du yin et du yang issus de l'unité primordiale, grand vide indifférencié. Le Ciel donne l'impulsion par le yang, la Terre se conforme par le yin, leur activité induit la multiplicité des phénomènes dont huit trigrammes, issus de la combinaison de ces deux monogrammes premiers, constituent les images fondamentales. Les soixante-quatre hexagrammes, à leur tour issus de la combinaison de ces huit trigrammes, en viennent à constituer la réplique de l'ordre universel ou infini des possibles, chacun d'eux dessinant la tournure d'une situation donnée, à un moment particulier. 

Chaque formule attachée aux traits est introduite par la désignation de sa position au sein de la figure selon un mouvement ascendant. Les formes d'interaction des six traits, couplés à la structuration des trigrammes au sein de l'hexagramme, déterminent l'archéologie de la situation.

Un dispositif de lecture des transformations de l'univers est inféré de la lecture des figures ; l'interprétation des formules attachées engendre la systématisation d'un vocabulaire de la transformation. L'activité humaine est intégrée aux modes de constitution des figures, la position du sage ou de l'homme de peu est retranscrite par celle des traits. De la dualité complémentaire du yin et du yang naissent l'harmonie, la potentialité, l'adéquation et l'humanité, qualités des traits au sein des hexagrammes et des hommes en société. De la mise en mouvement des situations naissent leurs interactions et transformations.

Transcendant les modèles symboliques, le Yijing fait l'objet d'une quantification réelle sous les Han (206 avant JC-220 après JC). Le calendrier impérial est basé sur la combinatoire de ses figures et la structure de son contenu fonde les disciplines du savoir en Chine.

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