La légende du Serpent blanc



La légende du Serpent blanc est une des plus fameuses légendes chinoises :
Partie 1 : Lü Dongbin, un des huit immortels
Ce 3 mars était un jour printanier. Au bord du lac de l'Ouest, les saules portaient de verts bourgeons et les pêchers des fleurs roses; de nombreux voyageurs étaient venus de tous les coins du pays pour se distraire.
Lü Dongbin, un des huit immortels, s'étant transformé en un vieillard à la barbe et aux cheveux gris, y vint aussi. La palanche à l'épaule, il s'amusa à vendre des boulettes de farine de riz au bouillon.

Posant sa palanche à terre, il s'installa sous un saule, sur le pont brisé. Quand il vit des boulettes de farine de riz surnager sur l'eau bouillante, il se mit à crier de toute sa voix :
- Qui veut des boulettes, qui veut des boulettes! Un sou les trois grosses, trois sous la petite!
Surpris par les appels du petit marchand, des gens se mirent à rire et lui firent remarquer:
- Grand-père, vous vous êtes trompé! Il faut interchanger les prix de la grosse et de la petite boulette!
Lü Dongbin, sans tenir compte des observations, continua :
- Qui veut des boulettes, un sou les trois grosses, trois sous la petite!

Des promeneurs s'approchèrent en souriant; on sortit un sou de sa poche pour acheter de grosses boulettes; peu après, elles étaient toutes vendues.

Alors, un bonhomme dans la cinquantaine, un enfant dans les bras, se glissa près du marchand en poussant les autres badauds. L'enfant, quand il vit que les gens mangeaient des boulettes en voulut aussi. Mais, plus de grosses boulettes!

Le père fut obligé d'acheter une petite boulette pour trois sous. Ayant pris l'argent, Lü Dongbin lui donna d'abord un bol d'eau bouillante, puis, il y mit une petite boulette. L'homme, le bol en main, soufflait sur l'eau pour la refroidir. La petite boulette tournoyait tout autour du bol. Très content, l'enfant, avançant la bouche, voulut la manger. Mais cette petite boulette, comme vivante, se glissa dans son ventre, quand il approcha le bol à sa bouche.

Depuis le moment où l'enfant eut pris la boulette, il ne mangea plus rien durant trois jours et trois nuits. Dévoré d'inquiétude, son père le ramena auprès du marchand.
Lü Dongbin, quand il eut entendu son histoire, éclata de rire et dit:
- Ma petite boulette n'est pas une nourriture ordinaire; évidemment, ton fils n'est pas destiné à en profiter!
Ce disant , il porta l'enfant sur le Pont brisé, le saisit soudain par les pieds et le tenant la tête en bas il s'écria:
- Sors!

La petite boulette avalée trois jours auparavant glissa de la bouche de l'enfant, tomba sur le pont et finit par rouler dans le lac.

Justement, un serpent blanc et une tortue étaient en train de perfectionner leur pouvoir magique sous le pont. Lorsque la petite boulette tomba du pont, le serpent blanc qui avait un long cou fut le premier à l'avaler. La tortue l'avait ratée; elle voulait que le serpent se l'enlève de la bouche et se mit à se quereller avec lui. Ils en vinrent même à se battre.

Comme ils s'étaient exercé tous deux à la pratique de la perfection depuis cinq cents ans, le pouvoir magique du serpent et de la tortue était d'égale puissance. Mais après avoir avalé la boulette, le pouvoir magique du serpent doubla, car la boulette était une pilule magique. La tortue, vaincue, prit la fuite vers l'ouest.

Partie 2 : Le Banquet de Pêches

De bon matin, de dessous le Pont brisé une fumée légère et blanche apparut sur l'eau, bientôt, une jeune fille en robe d'un blanc brillant sortit de l'eau et se dirigea vers la rive du lac. 
Comme elle était belle! On eût dit une fleur de lotus venant de s'épanouir sur l'eau! C'était le serpent blanc qui, ayant maintenant le pouvoir magique que donne mille ans de pratique de la perfection, s'était transformé en un être humain. Il prit le nom de Bai Niangzi (La Dame blanche).

Au jour prescrit, les Immortels s'empressèrent d'aller assister au Banquet des Pêches en l'honneur de l'anniversaire de la Reine Mère de l'Ouest. Que de monde! L'immense salle était comble, Bai Niangzi s'y rendit pour présenter ses félicitations.

C'était la première fois qu'elle y venait; tous les convives lui étaient inconnus, elle se mit donc silencieusement à la dernière place.

Après un moment, les fées apportèrent des pêches roses et veloutées au banquet; on commença à boire du vin, à manger des fruits. La Reine Mère parut à son tour pour saluer ses invités.
Apercevant Bai Niangzi, la douairière la regarda de la tête aux pieds, sans pouvoir la reconnaître; puis elle demanda à l'Immortel des Cieux du Sud:
- Vénérable Génie, qui est cette jolie Fille?
Caressant sa barbe grise, le Vénérable Génie regarda Lü Dongbin en souriant et dit:
- A toi de raconter cette histoire!

Lü Dongbin en resta tout ébahi. Il ne savait de quoi il s'agissait. Ayant constaté sa stupéfaction, le Génie des Cieux du Sud éclata de rire et raconta tout ce que Lü Dongbin avait fait au bord du Lac de l'Ouest. Cela fit rire tous les Immortels et Lü Dongbin lui-même.

Ce récit éveilla chez Bai Niangzi un désir caché dans son coeur depuis bien des années; elle songea qu'elle s'exerçait pour posséder un pouvoir magique depuis cinq cents ans au fond du Lac de l'Ouest où elle vivait dans la solitude et la tristesse.
Elle savait qu'il existait au-dessus du Lac un monde de bonheur. Comme il l'attirait! Mais comment un serpent eût-il pu vivre avec les êtres humains!

Aujourd'hui qu'elle s'était transformée en une jeune fille après avoir avalé la pilule magique, elle brûlait d'aller visiter le monde des humains. Elle se rappela l'enfant qui avait rejeté la pilule et voulut lui rendre visite.

Après le banquet, à la Porte sud du Ciel, elle vit le Génie des Cieux du Sud et le rattrapa par sa large manche en lui demandant:
- Vénérable Génie, dites-moi, je vous en prie, où est l'enfant qui a vomi la pilule, je voudrais le revoir.
A ces mots, le Génie ne put s'empêcher d'éclater de rire et dit:
- Dans dix-huit-ans, à la Fête des morts (Qingming), tu pourras le chercher au bord du Lac de l'Ouest; là, quand tu verras un homme à la fois le plus grand et le plus petit, ce sera lui.
Sur ce, le Vénérable partit en souriant sur un gros nuage...

Partie 3 :  L'homme le plus grand et le plus petit


De la Porte sud du Ciel, Bai Niangzi descendit sur la terre. Elle continua à habiter dans le Lac de l'Ouest. Un jour, deux jours, une année, deux années, elle calculait tout le temps sur ses doigts, et finalement, dix-huit ans s'écoulèrent. 

Le jour de la Fête des Morts, elle se leva de bonne heure, se peigna, changea d'habits et, suivant le "Sudi" (Digue de Su Dongpo sur le Lac de L'Ouest), elle arriva au pont Yingpo.

Là elle vit un vieux mendiant qui avait capturé un serpent bleu. A la vue de Bai Niangzi, ce serpent se mit à pleurer à grosses larmes, secouant la tête et bougeant la queue. Une grande pité envahit Bai Niangzi, elle dit au vieux mendiant:
- Grand-père, grand-père, que veux-tu faire avec ce serpent?
Le vieux répondit:
-Je veux prendre sa bile!
Bai Niangzi jeta alors un coup d'oeil sur le serpent épouvanté et s'empressa d'intervenir:
- Grand-père, je vous donne tout mon argent, vendez-le-moi, s'il vous plait!

Le vieux mendiant acquiesça. Bai Niangzi porta des deux mains le serpent bleu qu'elle venait d'acheter jusqu'au bord du lac et le mit dans l'eau. Soudain, une fumée bleue s'en éleva dans laquelle une petite fille en robe bleue apparut. Bai Niangzi, folle de joie, prit ses mains dans les siennes et s'écria:
- Petite fille, petite fille, comment t'appelles-tu?
- Moi, je m'appelle Xiao Qing, répondit-elle.
- Xiao Qing, Xiao Qing, veux-tu être mon amie?

Xiao Qing adopta alors Bai Niangzi comme soeur aîné, et partagea désormais sa vie. Toutes les deux marchaient, marchaient, se promenaient autour du Lac de l'Ouest, du lac intérieur au lac extérieur, et ainsi de suite. Bai Niangzi s'arrêtait de temps en temps, regardait de gauche à droite. Xiao Qing, ne comprenant pas ce qu'elle voulait, finit par l'interroger:
- Soeur, soeur, que cherchez-vous donc?

Bai Niangzi fit connaître alors en riant à Xiao Qing la devinette que le Génie des Cieux du Sud lui avait posée et lui demanda de l'aider à résoudre l'énigme.

Ce jour-là, il faisait très beau. une foule de gens se dirigeaient vers la colline pour apporter des offrandes aux morts et beaucoup de voyageurs prenaient l'air au bord du Lac de l'Ouest.

C'est auprès du Pont brisé qu'ils étaient les plus nombreux. Bai Niangzi et Xiao Qing se glissaient dans la foule por chercher l'homme qui était à la fois le plus grand et le plus petit. Mais, les grands n'étaient pas petits, les petits n'étaient pas grands. Hélas, qu'il était difficile à trouver!

A midi, Bai Niangzi et Xiao Qing revinrent encore au Pont brisé. A ce moment-là, une troupe d'acrobates s'installa sous un saule, à côté du pont, et les gens firent cercle autour d'eux. Ayant jeté des coups d'oeil de gauche à droite, Xiao Qing s'écria soudain:
- Soeur, soeur, je viens de découvrir l'homme qui est le plus grand et le plus petit!
- Où est-il, où est-il? demanda Bai Niangzi à la hâte, le coeur rempli de joie.
- Regardez là! Xiao Qing lui désigna un jeune homme, assis à la fourche d'un saule.

Bai Niangzi lui lança un regard et dit:
- Mais il n'est pas grand!
Xiao Qing insista:
- A la fourche, il est le plus grand puisque tout le monde passe sous ses jambes.
- Mais il n'est pas le plus petit, reprit Bai Niangzi.
Xiao Qing lui fit remarquer en souriant:
- Son ombre s'étale sur la terre, et là il est le plus petit puisque chacun lui passe sur la tête. Pas de doute, c'est bien lui!
- Oui, oui, c'est juste! acquiesça Bai Niangzi toute joyeuse. Vénérable Génie, votre devinette était vraiment très difficile. Votre homme est en fait un jeune homme ni grand ni petit.

Bai Niangzi contemplait attentivement le garçon: il était beau, avec des yeux brillants, un air honnête. Elle était à la fois très surprise et très heureuse. Comment savoir son nom, son prénom, car il restait sur la branche.
Comment le faire descendre? Une bonne idée vint à Xiao Qing qui demanda à Bai Niangzi de recourir à son pouvoir magique. Un instant après, le ciel se couvrait de gros nuages, il pleuvait à verse au milieu des grondements du tonnerre.

Les acrobates arrêtèrent leur représentation, la foule se dispersa. Le jeune homme, se laissant glisser de la branche, vint au bord du lac où il appela un petit bateau pour le conduire à la Porte Qingpo.
Au moment du départ, Bai Niangzi appela le batelier qui n'avait pas encore installé les rames:
- Grand-père batelier, laissez-nous monter sur votre bateau, s'il vous plaît!

Le jeune homme sortit la tête par la fenêtre du bateau et vit ces deux jeunes filles trempées, debout sous la pluie. Il demanda aussitôt au batelier de les laisser monter.
Une fois à bord, elles remercièrent le jeune homme. Xiao Qing s'enhardit à lui demander son nom.
- Je m'appelle Xu Xian, répondit-il, car pendant mon enfance, j'ai rencontré un génie à côté du Pont brisé, et mon père m'a donné comme prénom Xian (Génie).
Bai Niangzi et Xiao Qing échangèrent en souriant des regards satisfaits. Bai Niangzi demanda encore à Xu Xian où il habitait.
- Depuis le décès de mon père, expliqua-t-il, j'habite tout seul, chez ma soeur, près de la porte Qingpo.
Avec ces mots, Xiao Qing s'écria d'une voix joyeuse en battant des mains:
-Quelle coïncidence! La situation de ma soeur ressemble à la tienne, elle n'a ni parents, ni frère ou soeur, elle erre seule de par le monde! Vraiment, vous semblez être destinés l'un à l'autre!

Xu Xian devint tout rouge, Bai Niangzi baissa la tête, mais un petit moment après, les jeunes filles se familiarisèrent avec le jeune homme. Ils s'entretinrent sans gêne, tout heureux! Soudain, le vieux batelier entonna une chanson des montagnes:


Devant nous, le Temple du Vieillard de la Lune,
L'amour unit les coeurs par un fil de mille "li";
On s'embarque ensemble sous le vent et la pluie,
Venus d'horizons éloignés, on partage le même oreiller.
Partie 4 : La fête des bateaux dragons


Dès que Bai Niangzi et Xu Xian eurent fait connaissance, ils tombèrent éperdument amoureux; quelques jours après, ils cherchèrent une entremetteuse et se marièrent. 
Xu Xian, après son mariage, déménagea de chez sa soeur et s'installa avec sa femme et Xiao Qing à Zhenjiang où ils ouvrirent la pharmacie "Bao He Tang" (Maison de la protection de l'harmonie).

La jeune femme prescrivait les ordonnances, et Xu Xian composait les médicaments. Il en faisait de toutes sortes, des pilules, des poudres, des pommades. Devant la pharmacie, il y avait un écriteau portant l'inscription: "Soins gratuits pour les pauvres."

La nouvelle se transmit vite si bien que la pharmacie "Bao He Tang" fut vite célèbre dans la région. Chaque jour, les malades gravement atteints venaient pour faire établir un diagnostic; les malades légers venaient pour se faire délivrer une ordonnance et les malades guéris venaient pour remercier; il y avait donc beaucoup de monde du matin au soir dans la boutique, tant que le seuil de la porte risquait d'en être brisé.

Le jour de la fête des barques-Dragons (le 5 de la 5e lune), on accrochait des acores et des armoises autour de la porte d'entrée et on versait du vin à l'arsenic rouge en libations sur le sol. (L'acore croît dans l'eau et dégage un parfum. pendant la fête des Barques-Dragons, on attache de l'acore et de l'armoise séchés ensemble et on les allume pour chasser les moustiques.)
(L'arsenic rouge est aussi appelé "Jiguanshi". On l'utilise en médecine pour dissiper les "toxines". L'arsenic rouge macéré dans le vin donne le vin médicinal à l'arsenic rouge, qu'on boit le 5 de la 5e lune, et qui est censé immuniser contre le venin des serpents et des insectes.)
 
Au pied de la montagne Jinshan, allait se dérouler une course de barques en forme de Dragons. Une foule immense et très animée convergeait vers ce site. A la première heure, Bai Niangzi fit venir Xiao Qing et lui dit:
- Xiao Qing, savez-vous qu'aujourd'hui, c'est la Fête des Barques-Dragons?
- Oui, je le sais, chère soeur.
Bai Niangzi poursuivit en soupirant:
- A midi trois quarts, c'est le moment terrible; allez donc dans la montagne pour laisser passer cet instant!
- Et vous? demanda Xiao Qing.
- Je me suis exercée depuis mille ans pour atteindre la perfection, répondit-elle. C'est plus facile pour moi que pour vous.
Xiao Qing, pensive, dit en hochant la tête:
- A mon avis, ce serait mieux que nous allions dans la montagne toutes deux ensemble.
Bai Niangzi, tout étonnée, répliqua:
- Si nous y allions toutes les deux, mon mari serait inquiet.
Trouvant que sa soeur avait raison, Xiao Qing lui recommanda:
- Soeur, faites bien attention à vous! Puis elle sauta dehors par la fenêtre et s'enfuit dans la montagne sous forme de fumée bleue.
Peu après le départ de Xiao Qing, Xu Xian monta à l'étage en criant:
- Xiao Qing, dépêchez-vous de préparer nos affaires, nous allons tous ensemble sur la rive du fleuve pour y voir la course des Barques-Dragons!
Bai Niangzi tourna la tête et expliqua:
- J'ai envoyé Xiao Qing acheter des fils de couleur! Allez-y vous-même, mais n'oubliez pas d'emporter des "zongzi", aujourd'hui on doit manger de ces gâteaux de riz glutineux.
Xu Xian, étant monté à l'étage, s'approcha de sa femme et lui dit:
- Depuis que nous nous sommes installés ici, aujourd'hui, c'est la première fois que nous avons l'occasion d'aller voir la course des Barques-Dragons, je vous prie de m'accompagner; êtes-vous d'accord?
Bai Niangzi exposa ses raisons:
Je me sens souffrante, allez-y tout seul. Après la course, vous rentrerez tôt!

Dès qu'il eut entendu sa femme dire qu'elle était malade, Xu Xian se précipita pour prendre un petit coussin carré et le mit sur la table afin de lui tâter le pouls, la main droite, puis la main gauche. Finalement il s'écria:
- Non, non! Vous n'êtes pas malade, vous me racontez des histoires!
La jeune femme dit en souriant:
- Je n'ai pas dit que je suis malade, je suis enceinte!

Enchanté, Xu Xian bondit de joie jusqu'à trois pieds de haut; puisqu'il allait devenir papa, il ne voulait plus aller voir la course, il resterait pour passer avec sa femme la Fête des Barques -Dragons.
Vers midi, Xu Xian appela Xiao Qing , pas de réponse. Il descendit préparer lui-même le déjeuner; il réchauffa un chapelet de "zongzi" et un pot de vin jaune dans lequel il mit un petit peu d'arsenic rouge, puis il monta. Il emplit deux verres, l'un pour sa femme, l'autre pour lui-même. Bai Niangzi prit le verre et aussitôt une odeur désagréable lui monta à la tête; elle se sentit très mal et voulut refuser :
- Non, je ne bois pas de vin, je vais prendre deux "zongzi" pour vous accompagner!
Xu Xian insista:
- Aujourd'hui, c'est la fête des Barques-Dragons, n'importe comment, il faut boire un petit peu.
Bai Niangzi voulut encore repousser le verre:
- On a mis de l'arsenic rouge dans ce vin, je n'ose en boire, car je suis enceinte!
A ces mots, Xu Xian éclata de rire:
- Dans ma famille nous sommes pharmaciens depuis trois générations, me croyez-vous si ignorant? le vin d'arsenic rouge ne peut que chasser les diables et protéger votre enfant, vous devez en boire deux verres au moins!

Bai Niangzi, par peur que son mari n'ait des doutes sur elle et comptant sur le pouvoir acquis par mille ans de pratique, fit appel à tout son courage et but du vin.
Dès la première goutte, elle sentit que la tête lui tournait et que ses membres se paralysaient, impossible de rester assise sur le banc.

La jeune femme s'affala sur son lit. Xu Xian ne comprenait pas ce qui se passait; il s'élança vers le lit et il releva la moustiquaire. Ah! Sa femme avait disparu! Sur le lit, il n'y avait qu'un grand serpent. "Ah Ya!" Xu Xian poussa un cri étouffé et, tombant à terre, il s'évanouit.

Partie 5 : L'Amadouvier

Cachée dans la montagne, Xiao Qing se faisait beaucoup de soucis pour Bai Niangzi. Quand le moment pénible fut passé, elle prit le chemin du retour sous forme d'une fumée bleue. Elle monta à l'étage, Ah Ya! Xu Xian était étendu sans connaissance devant le lit et Bai Niangzi dormait sur ses deux oreilles! Xiao Qing la réveilla à la hâte.
- Ma soeur, ma soeur, qu'est-ce qui se passe? Quand Bai Niangzi aperçut Xu Xian évanoui sur le sol, elle se mit à pleurer.
- C'est moi, imprudente, qui ai laissé voir ma vraie nature, ce qui a été un choc pour mon mari!
Xiao Qing poussa des soupirs en se tordant les mains, puis s'écria:
-Ma soeur, il faut vite aller le sauver! Ayez confiance!

Bai Niangzi posa une main sur la poitrine de son mari: son coeur battait légèrement. Après réflexion, sa décision était prise.
- Les plantes ordinaires ne peuvent le sauver. Veillez sur lui, je vais aller chercher de l'amadouvier sur la haute chaîne des Kunlun!
Puis, d'un bond, elle disparut par la fenêtre dans un nuage blanc, voguant vers la montagne;
Elle vola, vola; un quart d'heure après, elle était au sommet des Kunlun couvert des arbres et des fleurs des Immortels. Il s'y trouvait quelques plantes violettes , c'était justement le amadouviers qu'elle était venue chercher, plante qui pouvait rendre la vie aux morts.

Bai Niangzi se pencha, en cueillit un et mit la tige dans sa bouche, puis elle reprit la route pour rentrer chez elle. Soudain elle entendit des bruits venant du ciel: une grue blanche arrivait à tire -d'aile. Elle vit que Bai Niangzi avait volé un amadouvier; immédiatement, les ailes étendues, le bec en avant, elle se lança contre la jeune femme.

Heureusement, au moment même où le bec allait frapper Bai Niangzi, une crosse, brandie derrière, immobilisa le long cou de la grue. Bai Niangzi, en se retournant, comprit que c'était le Génie de Cieux du Sud qui était intervenu. Alors elle le supplia en pleurant:
- Vénérable Génie, donnez-moi un amadouvier pour sauver mon mari!
Le Génie des Cieux du Sud libéra la grue et, caressant sa barbe grise, acquiesça d'un signe de tête.
Bai Niangzi s'empressa de le remercier puis, prenant la tige d'amadouvier entre ses dents, s'embarqua à la hâte sur un nuage blanc pour rentrer.

Arrivée chez elle, elle fit bouillir l'amadouvier dans un peu d'eau; puis, elle réussit à introduire la potion dans la bouche de son mari. Un instant après, Xu Xian était sauvé. Il parcourut du regard Bai Niangzi, tremblant de peur; puis il gagna l'escalier, descendit et, se glissa dans le bureau de comptabilité et, il n'en sortit plus.

Un jour, deux jours,, trois jours passèrent, Xu Xian n'osait pas s'approcher de l'escalier. La troisième nuit, Bai Niangzi et Xiao Qing vinrent jusqu'à son bureau, et Bai Niangzi se hasarda à lui demander:
- Mon mari, pourquoi ne montez-vous pas dans notre chambre depuis trois jours?
Il bafouilla:
- La pharmacie marche très bien, je suis plongé dans la comptabilité.
Xiao Qing ne pouvait s'empêcher de rire:
- Monsieur, vous faites les comptes? Voyez-vous vous-même, qu'est-ce que vous tenez dans vos mains?
Xu Xian jeta un coup d'oeil sur ses mains. Dans sa peur, il avait saisi un almanach. Mis au pied du mur, il raconta toute la vérité. Fronçant le sourcil, Bai Niangzi protesta:
- Mais je suis bien un être humain, comment pourrais-je me transformer en serpent? Certainement, vous vous êtes trompé.
Xiao Qing intervint:
- Monsieur ne s'est pas trompé, je l'ai vu également. Ce jour-là, je revenais d'acheter du fil de couleur, quand j'ai entendu Monsieur crier. Je me suis dépêchée de monter dans la chambre où il était par terre sans connaissance. J'ai aperçu alors un être tout brillant, soit un serpent, soit un Dragon, qui a volé du lit vers la fenêtre par où il a disparu!
La-dessus, Bai Niangzi éclata de rire:
- Oh! C'est bien clair, c'était un Dragon qui apparaissait à la famille. Cela signifie que la famille sera florissante de génération en génération, que le commerce sera prospère. Il est regrettable qu'à ce moment-là, je fusse profondément endormie, sinon je me serais jetée à genoux devant ce Dragon pour implorer sa protection!

Ayant écouté ce récit si bien circonstancié, Xu Xian après mûre réflexion abandonna ses incertitudes.

Partie 6 : L’inondation du Temple de Jinshan
 
La Tortue qui avait été vaincue par le Serpent Blanc autrefois au bord du Lac de l'Ouest prit la fuite vers le ciel de l'Ouest où elle se cacha sous le siège en forme de fleur de lotus du Bouddha Tathagata pour y écouter l'explication du soûtra bouddhique. 
Des années s'écoulèrent, la Tortue finit par acquérir des connaissances. Cependant elle se conduisit mal, car, profitant d'un lourd sommeil de Tathagata, elle lui vola trois de ses trésors: son bol d'or magique, son Kasaya (chape de bronze) et une crosse pastorale de bouddhiste avec lesquels elle vint sur la terre.

Là, la Tortue fit une culbute et se transforma en un bonze, noir et d'aspect sauvage. Comme il trouvait qu'il était plein de force et riche de connaissances, il se donna comme nom "Fa Hai", (Pouvoir bouddhique vaste comme la mer).

Le Kasaya sur son dos, le bol magique dans ses mains, la crosse sur son épaule, Fa Hai entreprit un grand voyage. Un jour, il arriva au temple Jinshan qui se trouve dans la ville de Zhenjiang. Quel site pittoresque! Il s'abîma dans la contemplation de l'immense fleuve Changjiang et des grandioses montagnes Jin et Jiao! Il prit alors la décision de s'installer dans le temple dont il assassina en secret le vénérable, grâce à sa magie pour prendre sa place.

Mais il se dégoûta vite du temple où ne venaient guère de donateurs, aussi fit-il encore appel à sa magie pour envoyer la peste faucher les habitants; ainsi de donateurs, pensait-il, seraient bien forcés de venir prier dans le temple.

Par contre, la pharmacie de Bai Niangzi et Xu Xian préparait des médicaments pour empêcher la peste de se répandre parmi les habitants. Très fâché, Fa Hai se transforma alors en un bonze quêtant pour le temple. Le "Mu Yu" (poisson de bois) pendu sur sa poitrine, il se dirigea vers la pharmacie en frappant son instrument tous les trois pas.

Fa Hai arriva à la pharmacie et jeta un coup d'oeil à l'intérieur; la vue du couple en train de composer des ordonnances et de trier des plantes médicinales l'irrita. Fa Hai apprit auprès des voisins que c'était Bai Niangzi qui faisait les ordonnances. Il regarda alors attentivement la jeune femme si légère dans ses vêtements blancs. Pas d'erreur! c'était la femme qui l'avait emporté sur lui bien des années auparavant dans le Lac de l'ouest! Serrant les dents, Fa Hai s'assit devant la porte de la pharmacie sans rien dire. Il attendit là du matin jusqu'au coucher du soleil.

Bai Niangzi étant montée à l'étage comme on allait bientôt fermer, il entra en frappant sur son "Mu Yu" et dit en joignant les mains:
- Donateur, votre pharmacie marche très bien, pourriez-vous me faire quelque aumône pour mon temple?
Xu Xian lui demanda quel était ce temple. Fa Hai poursuivit:
- Le 15 du mois de juillet, aura lieu la cérémonie de la Fête des Diables au temple de Jinshan, venez brûler des bâtonnets d'encens pour demander au bodhisattva de vous accorder bonheur et longévité, et d'écarter le malheur l'année durant.

Touché par son éloquence, Xu Xian lui donna quelque argent et signa sur la liste des donateurs. Le seuil à peine franchi, Fa Hai retourna la tête pour recommander:
- Le 15 juillet, venez sans faute, cher donateur !
Le temps passa très vite, bientôt ce fut le 15 juillet. Ce jour-là, Xu Xian se leva de bonne heure, mit un costume propre et demanda à Bai Niangzi:
- Ma chère femme, aujourd'hui, c'est la fête des Diables dans le temple de Jinshan, nous y allons ensemble, n'est-ce pas?
Mais Bai Niangzi refusa:
- Je suis enceinte et je ne peux pas grimper sur la montagne; allez-y tout seul et revenez le plus tôt possible, s'il vous plaît!
Xu Xian s'en fut donc solitaire. A peine arrivait-il à l'entrée que brusquement Fa Hai l'entraînait dans sa chambre et s'empressait de lui dire:
- Mon donateur, vous avez très bien fait de venir; je veux vous dévoiler franchement la vraie nature de votre femme, c'est un démon!
Très irrité, Xu Xian rétorqua:
- Ma femme est un être humain, et il n'y a rien à lui reprocher, comment pourrait-elle être un démon! Vous êtes fou!
Fa Hai poursuivit en souriant:
- Ce démon vous a troublé l'esprit, ce n'est pas votre faute! Mais moi, un vieux bonze, je peux le dévoiler. C'est un serpent!

A ces mots, Xu Xian se souvint de ce qui s'était passé le jour de la Fête des Barques-Dragons, et fut frappé de stupeur. Fa Hai qui s'en était aperçu poursuivit:
- Pas la peine de rentrer chez vous. Voulez-vous vous faire bonze? Je vous protégerai grâce au pouvoir que j'ai acquis, n'ayez pas peur d'elle!
Xu Xian réfléchissait:
"Ma femme me prodigue un amour plus profond que la mer. Bien qu'elle soit un démon, elle ne peut pas me faire du mal; actuellement, elle est enceinte, comment pourrais-je l'abandonner!"

A cette idée, il refusa catégoriquement. Fa Hai voyant cela l'enferma sur-le-champ.
Bai Niangzi l'attendait avec impatience. Un jour s'écoula, puis deux, puis trois; le quatrième jour, folle d'inquiétude, elle ne put plus y tenir, elle prit un petit bateau et, avec Xiao Qing, décida d'aller le chercher au temple.

Elles s'arrêtèrent au pied de la montagne Jinshan, puis l'escaladèrent. Là-haut elles rencontrèrent un petit bonze. Bai Niangzi s'empressa de l'interroger:
- Mon petit maître, savez-vous s'il y a un homme qui s'appelle Xu Xian dans votre temple?
Après réflexion, le petit bonze répondit:
- Oui, il y a un monsieur dont la femme est un démon; mon maître voulait le persuader de se faire bonze, il ne veut pas. Maintenant, on l'a enfermé dans le temple.
Bondissant de colère, Xiao Qing vociféra en pointant le doigt vers son nez:
- Oui c'est nous qui venons le chercher, fais venir la vieille tête rasée!

A ces mots, le bonze fut bien persuadé qu'elles étaient des démons; il courut appeler son maître. Ce dernier, à la vue de Bai Niangzi, eut un rire sarcastique:
- Serpent téméraire, vous osez venir sur la terre pour tromper les humains, vous voulez ruiner mon pouvoir magique! Aujourd'hui, Xu Xian s'est fait bonze. Comprenez-vous le dicton :
"La mer d'amertume est sans bord; revenez sur vos pas et vous retrouverez la rive" ?
Par miséricorde, je vous laisse le chemin de la vie; rentrez vite pour vous exercer à la pratique de la perfection et trouvez votre juste accomplissement. Sinon, ne vous plaignez pas si je suis impitoyable!
Bai Niangzi le regarda attentivement, c'était la Tortue. Elle contint sa colère et chercha à le raisonner calmement:
- Vous faites ce que vous voulez comme bonze; moi, je fais marcher ma pharmacie. Que chacun s'occupe de ses propres affaires! Pourquoi voulez-vous être mon ennemi! Le proverbe dit:
"Il est facile d'attiser la haine, mais difficile de l'apaiser!"
Je vous prie de laisser mon mari rentrer chez nous!

Fa Hai, sans l'écouter, leva sa crosse et en frappa la tête de Bai Niangzi. Celle-ci n'avait plus qu'à engager le combat; Xiao Qing y participa aussitôt. Bai Niangzi, enceinte comme elle était, ne pouvait résister, les coups de crosse pesaient sur sa tête comme le mont Taishan; elle dut abandonner le combat.
Elles reculèrent jusqu'au pied de la montagne Jinshan et sautèrent s ur leur bateau. Bai Niangzi tira une épingle de ses cheveux et la secoua au vent. L'épingle se transforma en un drapeau où des broderies représentaient des ondes et des vagues. Elle le passa à Xiao Qing qui le brandit au-dessus de sa tête et le secoua trois fois dans le vent.

En un clin d'oeil, une immense masse d'eau fit son apparition. L'eau se soulevait en vagues et des soldats crabes et crevettes se multipliaient et se groupaient aux abords de la montagne.
L'eau monta jusqu'à la porte du temple. Fa Hai, affolé, enleva à la hâte sa chape. Il la mit devant le portail; soudain un éclair jaillit et le Kasaya se transforma en un barrage qui contenant l'eau tout agitée.
L'eau montait d'un pied, le barrage augmentait d'autant; l'eau montait de dix pieds, le barrage aussi; si violentes que fussent les vagues, elles ne pouvaient le franchir.

Bai Niangzi comprit qu'elle ne pouvait pas vaincre le bonze; elle fit signe à Xiao Qing de s'arrêter. Elles rentrèrent dans les eaux du Lac de l'Ouest où elles continuèrent à méditer pour atteindre la perfection en attendant l'occasion de prendre leur revanche sur Fa Hai.

Partie 7 : Le diadème d'or

Xu Xian enfermé dans le temple de Jinshan refusait de se faire bonze. Quinze jours s'écoulèrent. Il réussit par hasard à s'enfuir. 

Arrivé chez lui, il trouva sa pharmacie vide, personne! Très triste et craignant que le bonze Fa Hai ne cherche à le rattraper, il fit ses bagages et se mit aussitôt en route pour se rendre à Hangzhou.

En souvenir de son mariage, il alla revoir la rive du Lac de l'Ouest, à côté du Pont brisé. Là il contempla le saule qui était toujours là, avec sa verdure luxuriante. A la pensée de l'amour pur qui l'unissait à Bai Niangzi, brusquement brisé par le bonze Fa Hai à son insu, les larmes inondèrent son visage. Il tapa du pied en s'écriant:
- Ma femme, ma femme, où êtes-vous! Où êtes-vous!

A ce moment, Bai Niangzi et Xiao Qing étaient en train de s'exercer à la pratique de la perfection; elles entendirent faiblement l'écho des lamentations qui venait d'au-dessus du lac, la voix était familière. Elles prêtèrent l'oreille, c'était bien Xu Xian. Très heureuses, elles émergèrent aussitôt. Attrapant une feuille de lotus, d'un souffle, elles en firent un petit bateau et se dirigèrent vers Xu Xian.

En relevant la tête, Xu Xian aperçut soudain cette barque où étaient assises sa femme et Xiao Qing. Il crut d'abord que ses yeux voyaient trouble; il regarda plus attentivement. C'était bien elles! Il s'empressa d'appeler:
- Ma femme, approchez-vous, ma femme, approchez-vous, c'est moi, Xu Xian!
Xiao Qing aborda habilement et Bai Niangzi gagna la rive avec son aide. Le couple se trouva de nouveau réuni sur le Pont brisé. Ils se racontèrent tous deux leurs souffrances durant leur séparation, à la fois tristes et fous de joie, laissant sans retenue couler leurs larmes.
A cette vue Xiao Qing s'approcha d'eux et leur conseilla:
- Vous vous êtes retrouvés, pourquoi pleurer encore! Il faut chercher un endroit où s'installer !

Les trois regagnèrent donc le bateau et se rendirent à la porte Qingpo où ils séjournèrent comme par le passé chez la soeur de Xu Xian.

Le temps passa très vite. Après la Fête du printemps, ce fut la Fête du Quinze janvier (Fête des boulettes de riz glutineux). Bai Niangzi mit au monde un bébé, frais et dodu. Fou de joie, Xu Xian était si content qu'il souriait tout le temps à tous ceux qu'il rencontrait.

En l'honneur de l'anniversaire du premier mois de son bébé, Xu Xian offrit un banquet au cours duquel on but du vin et on mangea des boulettes de riz, préparées par la soeur de Xu Xian et Xiao Qing.

Bai Niangzi se leva de bonne heure et s'en fut à sa toilette. Se tenant à ses côtés, Xu Xian constata que sa femme, les joues roses, les cheveux d'ébène, était devenue encore plus jolie qu'autrefois. Soudain un idée lui vint à l'esprit:
"Aujourd'hui, elle doit aller dire bonjour aux parents et aux amis pour présenter son bébé et recevoir des cadeaux d'anniversaire; malheureusement, elle a perdu tous ses beaux bijoux. Comment faire ?..."
Soudain le cri d'un colporteur se fit entendre dans la rue:
- Qui veut des diadèmes d'or, des diadèmes d'or:!
C'était un petit marchand qui vendait des diadèmes pour coiffures. Xu Xian s'empressa de le rattraper. Il prit une parure avec plusieurs rangées de perles brillantes, elle était magnifique! Xu Xian la préféra à toutes les autres et l'acheta. Il la donna à sa femme en disant:
- Ma chère femme, je vous ai acheté ce diadème, portez-le s'il vous plaît, cela vous ira très bien !
Il plut beaucoup à Bai Niangzi qui laissa son mari le mettre sur sa tête. Mais aussitôt que Xu Xian eut posé le diadème d'or sur la tête de sa femme, il fut désormais impossible de l'enlever, tandis qu'il se resserrait, se resserrait impitoyablement...

Bai Niangzi sentit que sa tête devenait de plus en plus lourde, sa vue se troubla; sans force, elle tomba à terre et perdit connaissance.

Effrayé par cette scène, Xu Xian, d'un bond, se précipita dehors. Mais le colporteur avait disparu: Sur le seuil de la porte se tenait le bonze Fa Hai, la crosse à la main.

C'était lui qui s'était transformé en colporteur. Depuis la fuite de Xu Xian, Fa Hai le cherchait partout; ce jour-là, venu à Hangzhou, il apprit que Xu Xian était en train de fêter l'anniversaire du premier mois de son bébé. Alors, après sa propre transformation, il fit de son bol magique un diadème d'or. Quand Fa Hai vit que Xu Xian, le visage déformé par la haine, s'élançait sur lui, il comprit que Bai Niangzi était tombée dans son piège. Il sourit malicieusement et déclara:
- Mon donateur, vous n'avez pas voulu accepter mes conseils; aujourd'hui, je suis venu moi-même arracher ce démon à votre domicile.

Il entra alors brusquement à grands pas dans la chambre de Bai Niangzi, et Xu Xian fut incapable de l'en empêcher. Une fois entré, Fa Hai n'eut qu'à souffler sur la tête de Bai Niangzi pour transformer le diadème en un grand bol d'or.

Le bol magique enveloppa Bai Niangzi de ses rayons. Xiao Qing aurait voulu se jeter sur Fa Hai de toutes ses forces, mais les adjurations de Bai Niangzi l'arrêtèrent:
- Prenez la fuite, prenez la fuite, je vous en supplie! Vous me vengerez quand vous aurez atteint la perfection!
Xiao Qing savait bien qu'elle n'était pas de taille à se mesurer avec Fa Hai, elle s'enfuit par la fenêtre dans une volute de fumée bleue. Bai Niangzi cria à son mari qui avait saisi Fa Hai et ne voulait pas le lâcher:
- Portez-vous bien, mon mari, portez-vous bien, je vous prie! Il faut élever soigneusement notre enfant!
Xu Xian, qui n'était qu'un homme ordinaire, était dans l'impuissance de sauver sa femme. Il ne put qu'aller chercher l'enfant dans son lit pour que sa femme puisse jeter un dernier coup d'oeil sur son bébé. Le visage trempé de larmes, Bai Niangzi se rapetissa petit à petit... Enfin, elle redevint un serpent que Fa Hai emprisonna dans le bol magique.

Fa Hai fit alors construire la pagode Lei Feng devant le temple de Jingzi sur la montagne Nanping, et il l'enferma dans cette pagode. Puis, il s'installa là pour la garder.

Partie 8 : L'Ecroulement de la Pagode Lei Feng


Cependant Xiao Qing, cachée dans une montagne déserte, acquérait du pouvoir magique. Des années s'écoulèrent; possédant désormais une assez bonne connaissance, elle prit le chemin de Hangzhou pour se venger de Fa Hai.
 Fa Hai était toujours en train de garder la pagode Lei Feng quand Xiao Qing y arriva; tous deux s'affrontèrent immédiatement dans un combat acharné. Ils se battirent pendant trois jours et trois nuits sans résultat.

Le choc des armes faisait trembler la terre et vint frapper les oreilles du Bouddha Tathagata. Il se réveilla, ouvrit les yeux et s'aperçut que ses trois trésors avaient disparu. Très fâché, il monta sur un nuage pour aller à leur recherche.

Arrivé au-dessus de Hangzhou, Tathagata vit que Fa Hai et Xiao Qing étaient aux prises dans un combat acharné. Tout à coup Xiao Qing laissa échapper son épée, aussitôt Fa Hai leva la crosse pour lui en assener un coup sur la tête, mais Tathagata agita légèrement la main au-dessus et la crosse, échappant des mains de Fa Hai, s'envola vers le ciel. Effrayé, Fa Hai, faute de crosse, s'empressa d'enlever la chape pour en envelopper Xiao Qing.

A sa grande surprise, la chape s'évada également de ses mains et retourna vers Tathagata. A ce moment, dans un bruit assourdissant, la pagode Lei Feng croula sur sa base et le bol magique s'en échappa en s'envolant vers le ciel.

Bai Niangzi en bondit et s'engagea dans le combat. Fa Hai, en vérité, ne possédait ses aptitudes que grâce aux trois trésors de Tathagata. Maintenant que Tathagata avait repris ses trésors, Fa Hai allait être complètement battu par les deux femmes.
Se voyant en mauvaise posture, il s'enfuit dans le ciel et pria Tathagata de le sauver. Ce dernier, avec mépris, lui donna un coup de pied, et Fa Hai, de culbutes en culbutes, tomba du ciel dans le Lac de l'Ouest.
Bai Niangzi, ayant vu la chute de Fa Hai, retira une épingle d'or de ses cheveux et, la secouant au vent, en fit un petit drapeau; Xiao Qing le brandit et l'agita à l'envers par trois fois; en un clin d'oeil, le Lac de l'Ouest s'assécha, le fond du lac apparut à découvert.

Fa Hai, jetant ses regards de droite à gauche, ne trouvait pas un endroit convenable où se cacher. Enfin, il vit le nombril du crabe qui est fendu d'une crevasse, et il s'y glissa précipitamment.

Fa Hai était dans le ventre du crabe et il ne pouvait plus en sortir. Auparavant, le crabe marchait tout droit, mais Fa Hai, une fois enfermé imposant à sa guise sa féroce domination dans son ventre, le crabe se vit obligé de marcher de côté, tantôt à gauche, tantôt à droite.

Aujourd'hui encore, quand on prend un crabe, on peut voir dans son ventre ce bonze à la tête nue !

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