Le dragon chinois

 

Des livres entiers ont été consacrés au dragon chinois. C'est un serpent à cornes. Au néolithique, il enroule son corps serpentiforme pour former des anneaux de jade. Souvent représenté de profil, il a des cornes et des pattes griffues pareilles à celles du corbeau. il évolue dans dans des tourbillons de spirales carrées, que les archéologues chinois nomment leiwen, le signe du tonnerre.

Sous les Han, il prend son envol. Dans le décor de laques, son corps s'allonge et danse parmi les nuages. Il est la monture des Immortels et a aussi la charge de transporter les âmes des morts.

Au haut Moyen Âge quand la grande ferveur bouddhiste gagne le monde chinois et, avec elle, le cortège d'esprits et de divinités issus des civilisations indo-européennes, il fusionne avec l'une d'elles : le naga, serpent céleste, pourvoyeur de pluie et gardien de trésors.

L'eau est par excellence son élément. Sa forme se fixe peu à peu. Hybride plus que jamais, il a le mufle du chameau, les cornes du daim, les oreilles des vaches, le cou du serpent, les griffes du faucon. Ou encore : la tête du tigre, la crinière du lion, le corps et les écailles du serpent, la queue du crocodile et les pattes du lézard. On l'appelle "Qiu" ou "Long". Ses couleurs varient entre le noir, le blanc, le jaune, le rouge et le bleu-vert.

Quand il vole dans les airs, il est un "Ying", un "Li" quand il vit dans les profondeurs de la mer, un "Wei" quand son corps est bifide. Il expulse des eaux Hebo le Comte de Fleuve et les mânes des vieilles divinités qui s'y sont noyées, pour en devenir le génie maître. Dans les contes il se subdivise en quatre, quatre rois-dragons qui ont la charge de chacune des quatre mers qui cantonnent le continent. Au fond des lacs, il veille jalousement sur des trésors et sur le savoir. Sa progéniture est faîte de carpes et de crevettes, fils et filles-dragons, qui parfois s'incarnent en jeunes garçons et jeunes femmes pour aller chez les mortels rappeler l'existence des dragons. A la cour impériale, il fonde la hiérarchie de l'aristocratie : à cinq griffes pour l'empereur, à trois seulement pour les princes de sang.

De toutes les créatures du bestiaire mythologique des Chinois, c'est la plus emblématique, car le dragon est associé au pouvoir impérial dès le IIIème siècle avant JC. L'Empereur de Chine est le fils du dragon. Brodée sur le plastron de sa robe de cour, la bête est son apanage et l'emblème de sa puissance, partout présente dans l'ornementation de son palais.

On dit des maîtres de fengshui qu'ils sont des conducteurs de dragons. Capable de se déplacer dans les eaux comme dans les airs, sans nageoires ni ailes, par la seule puissance de son énergie vitale, le dragon est l'incarnation du qi, des flux et des fluides qui parcourent l'univers. La terre est sa chair, les rochers sont ses os, les herbes sa crinière. Créature hybride parcourant tous les mondes, il est le yin et le yang et le principe de métamorphose qui est la marche de l'univers selon les Chinois.

Le dragon incarne le roulement des saisons. L'hiver, il est plongé dans la léthargie du yin. immobile au fond des rivières, il s'emplit d'eau. Au printemps, il s'éveille, ses écailles mirent le vert enchanteur des premières pousses. Crevant les nuages, il s'élance vers le ciel. L'été, il s'emplit de la vitalité du yang. D'eau, il devient feu, lançant les éclairs de l'orage et volant toujours plus haut dans le ciel pour répandre sous forme de pluie féconde l'eau accumulée durant la saison yin. A l'équinoxe d'automne, son corps se pare de reflet pourpre des feuillages, et il redescend vers la terre pour plonger dans l'eau sombre et y restaurer sa puissance durant son sommeil hivernal. 
De nombreux dragons hantent le ciel de la Chine. Certains poursuivent inlassablement le Soleil et la Lune, provoquant les éclipses. (Il est intéressant de noter qu'astronomiquement, la tête et la queue de la constellation du Dragon sont les nœuds de la lune, les points où ont lieu les éclipses). Un grand dragon de feu conditionne de ses humeurs la vie en Chine : il ouvre les yeux et c'est le jour, il les ferme et c'est la nuit. Son souffle provoque les tempêtes. Le tonnerre est une manifestation de sa colère, ou de ses combats avec d'autres dragons.

Toujours en Chine, les dragons jouent également un rôle essentiel dans l'agriculture. Gardiens des eaux, ils sont plutôt bienfaisants, mais ils peuvent être maladroits, se tromper de tâche, s'endormir, voire même s'enivrer, et c'est alors la catastrophe : le fleuve déborde, la tempête ravage les côtes, ou bien, au contraire, les sources tarissent, la sécheresse menace. Il faut alors les rappeler à l'ordre, ou même les punir : si la pluie tarde trop malgré les prières, on sort la statue du Dragon hors de son temple pour l'exposer au grand soleil : car il est bien connu que les Dragons n'aiment pas trop le soleil...

Le Dragon représente aussi le cycle de la végétation. Il est figuré par l'hexagramme K'ien, principe du ciel et de la création, et dont les 6 traits pleins représentent les 6 étapes de la manifestation :

La première de ces manifestations est le "dragon invisible", à l'image de la semence enterrée, le pouvoir de la création non encore exprimée.
La deuxième est nommée "dragon des champs", à l'image du germe qui croît, mais n'est pas encore visible.
La troisième se nomme "dragon visible", et symbolise le germe apparaissant hors de terre.
La quatrième est le "dragon bondissant" : la plante croît et donne ses fruits.
La cinquième est dite "dragon volant", à l'image des graines et pollen qui essaiment.
La sixième enfin est le "dragon planant", c'est l'esprit qui ordonne le tout, le roi-dragon céleste.

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