La légende de Cui Heizi et du dragon


Cui Heizi était célibataire; il vivait seul au pied d'une grande montagne, n'ayant d'autre bien qu'une palanche et deux boîtes d'outils. Il allait ainsi, de village en village, pour rétamer les bols et les cuvettes.
  Un jour, il trouva sur son chemin un petit Dragon qu'il recueillit et logea dans une de ses boîtes à outils. Il avait soin de le nourrir. Le Dragon grandissait à vue d'oeil et bientôt la boîte fut trop petite pour le contenir. Alors, il logea le Dragon dans sa chambre.

Quelques années plus tard, la chambre à son tour n'arrivait plus à contenir le Dragon. Cui Heizi réfléchit longuement puis dit à son ami Dragon :
- Tu sais, je n'ai que cette palanche pour vivre. Tu es désormais trop grand pour que je puisse t'élever. je vais te conduire à la grotte, là-haut sur la montagne du nord, je crois que tu t'y plairas.
Le Dragon fit oui de la tête et suivit Cui Heizi.

Un an se passa. Devant la grotte, un ginseng avait poussé. Tout le monde en connaissait la valeur et le convoitait mais personne n'osait le cueillir, car le Dragon le veillait.

Lorsque l'Empereur fut mis au courant il exigea bien sûr qu'on le lui apporta. Le gouverneur du district, informé du fait que Cui Heizi avait élevé l'animal, lui ordonna d'aller cueillir la plante s'il tenait encore à la vie.
Ainsi menacé, Cui Heizi s'enhardit et se mit en route. De loin, il aperçut le Dragon lové devant la grotte; planté à une distance raisonnable, il lui adressa la parole :
- Mon Dragon, dit-il, je t'ai nourri autrefois, aujourd'hui je viens te prier de me sauver la vie. Laisse-moi cueillir ce ginseng, il me faut le ramener à l'Empereur.
Le Dragon répondit d'un signe de tête affirmatif. Cui Heizi prit la plante et alla la porter à l'Empereur.


Le temps passa. L'impératrice se prit à souffrir d'une maladie des yeux. Les meilleurs médecins se relayaient à son chevet , sans succès. La maladie ne faisait qu'empirer de jour en jour, et l'impératrice perdit la vue. Quelqu'un dit à l'Empereur :
- Il y aurait bien un remède: si l'impératrice frotte ses yeux avec l'oeil du Dragon, elle sera sauvée. Le Dragon était si grand et si féroce qu'une armée entière n'aurait pu en venir à bout. Comment faire? Le nom de Cui Heizi revint à la mémoire de l'Empereur. Il lui fit porter un décret impérial: s'il obtenait l'oeil du Dragon, le rang de ministre l'attendait; en cas d'échec, toute sa famille serait mise à mort.

Cui Heizi hésita longtemps, partagé entre le désir d'être ministre et la peur de mourir; enfin il décida de tenter sa chance. il se rendait bien compte de la situation. L'autre fois son ami Dragon avait bien voulu qu'il emporte le ginseng. Mais un oeil, ce n'était pas pareil. Comment le Dragon pouvait-il accepter qu'il lui enlève son oeil? Ce fut donc de bien mauvais gré qu'il prit le chemin de la grotte.
- C'est toujours l'Empereur qui m'envoie, dit Cui au Dragon. je t'ai élevé, et nourri autrefois, aie pitié de moi, aujourd'hui encore ma vie est en danger. J'ai besoin de ton oeil, laisse-moi le prendre.
Cette fois encore le Dragon accepta; immobile, il laissa Cui Heizi lui enlever son oeil gauche. Cela fit si mal qu'un larme coula le long de sa joue droite.

Avec l'oeil du Dragon, l'Empereur essuya les yeux de son épouse qui revit la lumière, comme si de rien ne s'était passé. Satisfait du service rendu, l'Empereur éleva Cui Heizi au rang de ministre.

Tous les problèmes de Cui semblaient résolus; son dur passé d'artisan ambulant loin derrière lui, il menait désormais une vie confortable et heureuse. Mais avec le temps, il devint cruel et cupide. Le malheur des autres le laissait indifférent. seule sa soif de richesse semblait ne jamais devoir s'assouvir.
Ce fut ainsi que l'envie lui vint un jour d'avoir pour lui l'oeil magique du Dragon. La cupidité fut plus forte que la peur; il prit son courage à deux mains et alla trouver l'animal.
- Dragon, mon ami, dit-il en lui faisant face, je t'ai élevé autrefois, donne-moi donc ton oeil droit.
Le Dragon fit oui de la tête. Cui Heizi, qui ne s'attendait pas à une victoire si facile, s'élança vers lui, la main tendue, le Dragon le happa au passage et l'avala d'un trait.

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