La légende de Dame Wei


Née dans une famille très connue dans la capitale, Dame Wei avait épousé Meng, de la ville de Wuchang, vers la fin du règne de l'Empereur Dali des Tang. Plus tard, Meng et son beau-frère réussirent ensemble dans le concours impérial. Le frère de Dame Wei fut nommé chef de la police de la sous-préfecture de Yangzi et de son côté, Meng, l'époux de Dame Wei, devait aller prendre les fonctions de gouverneur à Langzhou, une des préfectures de la province du Sichuan.
  Les deux postes se trouvant éloignés, Dame Wei dut quitter sa maison et suivre son mari. Comme le Sichuan était inaccessible aux voitures, Dame Wei voyageait à cheval. A l'entrée d'une vallée, le cheval s'emballa et la jeune femme tomba dans un précipice profond de mille mètres. On n'y voyait qu'un trou tout noir. Impossible d'y pénétrer ! Son époux et sa famille ne purent que sangloter, et une cérémonie funèbre eut lieu sur place avant le départ de la famille Meng.

Dame Wei, elle, atterrit sur une petite terrasse de quelques dizaines de mètres tapissée de feuilles mortes. Le corps intact, elle s'évanouit un instant, puis reprit connaissance. Une journée passa, elle n'avait à manger que de la neige enveloppée dans des feuilles pour tromper sa faim. Soudain, elle vit entre les parois de rocher une fente d'une profondeur insondable et, levant les yeux, elle réalisa qu'elle était comme au fond d'un puits.

Elle attendait la mort, quand, tout à coup, elle entrevit une lueur qui grandissait. Puis ce furent deux lumières qui s'approchaient peu à peu d'elle. Ah! Les deux yeux d'un Dragon! Terrorisée, elle se colla contre la paroi du précipice.

Un Dragon long d'environ soixante pieds rampa jusqu'au bord du puits. Pour finir, il sortit d'un coup et s'envola. Quelques secondes plus tard, apparurent deux autres lumières devant elle. Un autre Dragon allait sortir :
"Tôt ou tard je mourrai dans cette grotte, se dit-elle, alors je préfère être tuée par les Dragons !"
Profitant de ce que le Dragon sortait du précipice, elle monta d'un coup sur son dos sans qu'il s'en aperçoive. Le Dragon et la femme s'envolèrent vers le ciel.


N'osant pas regarder le monde au dessous d'elle Dame Wei se laissa entraîner par le Dragon. Au bout d'une demi-journée, elle crut avoir parcouru dix mille lis. Alors, elle ouvrit craintivement les yeux et découvrit mer, rivière, arbres et herbes qui devenaient plus nets à mesure que le Dragon descendait. A une cinquantaine de pieds de la terre, de peur que le Dragon ne plonge dans une rivière, elle se laissa tomber dans des herbes drues. Un instant après, elle reprit conscience.
  Sans nourriture depuis quatre jours, Dame Wei se sentit épuisée, mais elle erra au hasard. Un pêcheur s'affola à la vue d'une femme aussi squelettique. Aux questions qu'elle lui posa, il répondit qu'elle se trouvait à vingt lis de la sous-préfecture de Yangzi. Ce renseignement réjouit tellement Dame Wei qu'elle raconta toute son aventure au pêcheur.

Pris de pitié pour la jeune femme, celui-ci l'invita à venir boire du thé et du bouillon à bord de son bateau.
- Le jeune seigneur Wei, qui vient d'être nommé chef de la police de la sous-préfecture, est-il arrivé ? demanda la jeune femme.
-Non. Je n'en sais rien, répondit le pêcheur.
- C'est mon frère. Veuillez me conduire là-bas ! Je vous récompenserai bien.
Le pêcheur l'emmena en bateau à la sous-préfecture et l'accompagna jusqu'à la porte de la résidence de son frère.
Celui-ci, qui était entré en fonction plusieurs jours auparavant, fut surpris et incrédule quand on lui dit que sa soeur était là.
- Ma soeur est partie pour le Sichuan avec mon beau-frère, s'exclama-t-il, comment se fait-il qu'elle soit venue ici ?
Même après avoir appris ce qui s'était passé, il resta plus ou moins convaincu.

Quand il arriva auprès d'elle, sa soeur se mit à sangloter tout en se lamentant sur son sort malheureux. Frappé par le dépérissement de sa soeur, le nouveau chef l'invita à se reposer chez lui pour recouvrer la santé.

Toutefois, il demeurait toujours dans l'incertitude. Plusieurs jours passèrent et il reçut en effet une lettre du Sichuan lui annonçant le malheur qui avait frappé sa soeur. Tranquilisé, il éprouva une joie mêlée de chagrin et il envoya offrir au pêcheur vingt mille sapèques pour le récompenser. La famille de son mari pleura de joie à la vue de la jeune femme retrouvée.

Des dizaines d'années plus tard, cette aventure fut racontée par Pei Gang, le cousin de Dame Wei, qui sous le règne de l'Empereur Zhenyuan, fut nommé chef de la police de Gao'an dans la préfecture de Hongzhou.

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