Le bodhisattva Avalokiteshvara



Le bodhisattva Avalokiteshvara « seigneur qui observe depuis le haut » (chinois : Guān(shì)yīn) est sans doute le plus populaire parmi les bouddhistes du grand véhicule. Il est aussi utilisé comme yidam dans les méditations tantriques.

Bodhisattva protéiforme et syncrétique (il peut représenter tous les autres bodhisattva) incarnant la compassion ultime, il est féminin en Chine ; au Tibet, le Dalaï Lama est considéré comme sa réincarnation.

A la suite de sa pénétration en Chine, Avalokiteshvara a fait l'objet d'une féminisation de plus en plus fréquente, devenue définitive sous les Song. C'est aussi principalement sous forme féminine qu'il s'est implanté au Japon. Importante déité en Chine, Guanyin y a joint à sa nature de bodhisattva celle d'une déesse de la religion populaire, comptée par le taoïsme au nombre des immortels. Elle est invoquée comme protectrice dans la vie quotidienne, particulièrement en faveur des enfants et des marins, et comme libératrice spirituelle des trépassés ou des âmes égarées. Sur le continent chinois, son lieu de culte le plus renommé est Putuoshan dans le Zhejiang. On lui attribue le Dabeizhou, "incantation de la grande compassion" , qui permet de libérer les âmes en peine. Avalokiteshvara est également présent dans le monde chinois sous sa forme tibétaine car le bouddhisme tantrique tibétain y a de nombreux adeptes.

Sa féminisation a très probablement tout d'abord été spontanée et populaire. Son image dans l'iconographie et la statuaire hindoue - visage imberbe aux traits fins, chignon bouclé, embryon de poitrine, silhouette gracieuse, parfois boucles d'oreille et collier - très éloignée des représentations masculines chinoises, associée à sa nature compatissante, ont dû décider assez vite de son changement de sexe auprès du fidèle ordinaire. On peut cependant en trouver une justification canonique dans le Sūtra du Diamant qui mentionne la capacité du bodhisattva à prendre des aspects multiples ainsi que sa fonction de donneur d'enfant, qui ne serait d'ailleurs d'après certains que le résultat de l'interprétation erronée d'un sinogramme.

Culte à Taiwan :

Guanyin protectrice des navigateursDans le monde chinois, et particulièrement à Taiwan où la pratique religieuse n'a pas subi d'entraves politiques, Guanyin est une des déités vers lesquelles on se tourne le plus souvent pour demander secours. En 1981, sur l'île de Formose, elle comptait 572 temples, un peu plus que la grande déesse taïwanaise Mazu.

Seule une partie de ces temples est exclusivement bouddhique ; la plupart appartiennent au grand réseau des temples de la religion populaire. Le mode de culte dépend de l'administration du temple, prise en main tantôt par des bonzesses, tantôt par des laïques. Certains ne gardent de bouddhique qu' un espace à l'arrière du bâtiment réservé à la lecture des soutras, alors que dans la salle principale on pratique divinations, exorcismes, ou incinération de papier-monnaie ; les offrandes alimentaires y sont au moins en partie carnées ; la déesse, comme toutes les divinités chinoises, fait sa tournée d'inspection de la "paroisse" lors des fêtes. Les statues de différents temples sont parfois liées entre elles par des relations hiérarchiques ou de parenté exprimant les relations sociales entre les communautés de fidèles ou les administrateurs des temples.

Dans les temples bouddhiques, Guanyin a typiquement l'aspect d'un bodhisattva "standard" vêtu d'un drapé lâche, en méditation les yeux mi-clos sur un lotus aux côtés des bouddhas, et son physique féminin est peu accentué. Dans les autres temples, son aspect féminin est évident ; elle porte parfois un costume de dame noble au lieu de la robe ample habituelle ; son visage peut être paré de couleurs humaines (joues roses) ou semblable à celui des divinités populaires (noir par ex.) ; elle est souvent debout sur un lotus de dimensions réduites. Elle est acompagnée de personnages du bouddhisme populaire (shancai et liangnu, deux convertis exemplaires de chaque sexe, ou les dix-huit luohans -arhats), ainsi que du dieu du sol et de la déesse donneuse d'enfants, occupants habituels des temples populaires. Parfois elle partage son lieu de culte avec une autre divinité importante.

Dans presque tous les cas, elle est vêtue de blanc et tient en main la bouteille contenant l'eau qui purifie, une branche de saule (plante apotropaïque en Chine) ou un sutra, à moins que sa main vide ne fasse un geste bouddhique de protection. Une autre caractéristique commune à presque tous ses lieux de culte est leur fonction de secours aux trépassés : on peut y trouver des tablettes ancestrales ou même des cendres funéraires. Guanyin, que la tradition populaire fait régner avec Amitabha sur le paradis de la “Terre pure d'Occident”, joue un rôle important lors du pudu, cérémonie de libération accompagnée d'un festin offert aux âmes errantes lors de la Fête des fantômes.

Légende :

Comme toutes les divinités chinoises elle a reçu une biographie terrestre, qui existe en quelques versions différentes, la plus répandue étant celle qui fait d'elle une princesse, elle-même réincarnation d'Avalokiteshvara. La déesse Mazu, qui joue comme elle un rôle de protectrice, est parfois considérée comme un de ses avatars.

La princesse ‘'Miaoshan'' était la fille d'un roi de Sumatra qui avait choisi de devenir nonne plutôt que d'épouser le riche parti choisi par son père. Celui-ci avait ordonné aux moines de la faire travailler nuit et jour afin de la décourager, mais les animaux des alentours vinrent à son secours et elle fut toujours en mesure d'accomplir la tâche demandée, quelle que soit son importance. Exaspéré, son père décida de mettre le feu au monastère. Miaoshan éteignit alors l'incendie de ses mains sans souffrir la moindre brûlure. Son père la fit finalement mettre à mort. Alors qu'elle se dirigeait vers le paradis, elle baissa la tête et vit la souffrance du monde. Elle décida alors d'y rester pour sauver les âmes en détresse.

Une variante de l'histoire offre une explication à l'existence de la “Guanyin aux mille bras et aux mille yeux” dont le culte, lancé par l'installation au temple de Xiangshan d'une effigie tantrique, date des Tang :

Son père étant tombé malade, la princesse Miaoshan sacrifia ses bras et ses yeux pour demander sa guérison. Aussitôt après son sacrifice, elle apparut brièvement dotée de mille bras et mille yeux avant de retrouver son corps intact.

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