La légende de Nü Wa et Jingwei

Nü Wa, fille cadette de Yandi, le Dieu du Soleil, était naïve, gaie et belle. Elle allait jouer chaque jour sur la plage, au bord de la Mer dont elle aimait voir les flots bleux tumultueux et recueillir les coquillages multicolores éparpillés sur le sable. 

Un jour, alors qu'elle allait sortir, sa mère la prévint :
- La tempête menace aujourd'hui, ne va pas à la plage!
Cependant, sourde aux recommandations de sa mère, Nü Wa s'y rendit quand même.

Après avoir ramassé bon nombre de coquillages, elle alla se poster sur la pointe d'un récif. De là, elle pouvait contempler l'écume blanche sur les flots qui venaient se briser contre les rochers et les mouettes, leurs ailes blanches déployées, qui tournoyaient au-dessus de la Mer.

- Ah! Comme la Mer est belle! Je comprends pourquoi mon père venait prendre ici son bain quotidien! Se disait silencieusement la fillette sans s'apercevoir que la tempête menaçait à l'horizon et qu'elle était en train de se ruer vers la côte.

Une bourrasque chaude et humide annonça l'orage. Il arriva si vite que Nü Wa n'eut pas le temps de prendre la fuite. Elle fut emportée par les vagues hautes comme des montagnes qui déferlèrent sur le rivage.

Au plus fort de l'orage, la mère de Nü Wa accourut sur la plage. Le vent hurlait, la pluie tombait à verse. Vacillant sur ses jambes, elle ne pouvait ouvrir ses yeux. Cependant, elle cria de toute la force de ses poumons :
- Nü... Wa !... Nü... Wa !...

Mais nul écho ne répondit à son appel. Elle n'entendit que le hurlement du vent, le crépitement de la pluie et le grondement de la mer.

Puis, la tempête passa et la Mer peu à peu s'apaisa. Mais, Nü Wa ne revint jamais. Assise sur le sable de la plage, sa mère pleurait à chaudes larmes, le coeur brisé, le visage défait. 

La pauvre petite Nü Wa n'aurait jamais pu imaginer qu'un jour la Mer qu'elle aimait tant deviendrait si féroce et perfide et qu'elle l'emporterait dans son jeune âge.

Après la mort de sa fille, la maman, l'âme indignée et blessée, se transforma en oiseau, l'oiseau Jingwei. C'était un oiseau à tête multicolore, au bec blanc et aux pattes rouges, qui habitait à l'ouest, sur le mont Fajiu. Jingwei nourrissait une haine farouche envers la Mer qui s'était emparée de la jeune Nü Wa.

Elle s'était jurée de venger la petite fille en comblant la Mer perfide. Depuis, jour et nuit, elle transportait dans son bec des branches d'arbre et des pierres qu'elle lâchait au dessus des flots.

Des années et des années durant, Jingwei ne cessa jamais son travail. Combien était-on ému et respectueux devant la noble ambition et la volonté inébranlable de Jingwei !

On dit que, peu après, Jingwei convola avec un oiseau des tempêtes. Ils eurent des fils oiseaux des tempêtes et des filles Jingwei. Les oiseaux des tempêtes, nés d'une mère intrépide, bravaient la tempête chaque fois qu'elle se déchaînait, faisant face aux vagues et traversant les nuages noirs, tournoyant et planant sans relâche au-dessus de la mer démontée en lançant des appels au combat et à la vengeance.

Les filles Jingwei continuèrent la tâche inachevée de leur mère avec la même volonté, transportant, année après année, génération après génération, des branches et des pierres qu'elles jetaient dans la Mer en vue de la combler un jour.

Depuis l'antiquité, on appelle Jingwei "l'oiseau innocent" ou "l'oiseau volontaire", termes qui traduisent pleinement la compassion et l'admiration des hommes pour cet oiseau.

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