Xu Xiyan vécut à la fin
du VIIIe siècle. Alors qu'il était à la capitale, il vit un cheval remarquable
qu'il voulut acheter. Comme le prix en était élevé, il hésita et demanda à un taoïste de lui tirer les trigrammes ; il apprit ainsi que ce cheval appartenait
à l'espèce des dragons et que s'il l'achetait, il pourrait s'élever au ciel.
Évidemment il ne recula plus devant la dépense et, chevauchant ce cheval, se
rendit dans la province du Sichuan. En passant par les chemins très escarpés à
travers les montagnes à l'entrée de cette province, le cheval trébucha et
l'entraîna dans une chute vertigineuse, mais ni lui ni sa monture ne furent même
blessés. Il arriva ensuite devant une grotte entourée de fleurs et d'arbres et
bordée d'une source. Un vieux taoïste était assis là, servi par deux
immortelles, qui |'informèrent que leur maître était le Seigneur Originel du
Grand Un. Celui-ci demanda à Xu Xiyan ce qu'il aimait, et Xu Xiyan lui répondit
que ce qu'il préférait, c'était lire les oeuvres de Lao zi et Zhuang zi, car
pour eux l'esprit était la réalité véritable.
Voyant qu'il avait compris
l'essentiel, le Seigneur Originel du Grand Un l'invita à s'asseoir à côté de
lui. Survint alors un autre taoïste en qui Xu Xiyan reconnut celui qui avait
tiré les trigrammes et lui avait fait acheter son cheval. Un jeune immortel
transmit une invitation de l'Empereur de l'Est ; à ce moment, tous trois
s'élancèrent dans le ciel en chevauchant un dragon. Après le banquet, sur le
chemin du retour, ils passèrent au-dessus de différents royaumes de l'Asie
centrale et des côtes orientales de l'Asie.
Au moment de se
séparer, le Seigneur Originel du Grand Un fit à Xu Xiyan les recommandations
suivantes : « Maintenant que tu as bu le vin des immortels, tu pourras vivre
mille ans, mais si tu veux que nous nous revoyions, tu ne dois pas révéler les
arcanes du Ciel, ni te laisser aller au gré des désirs pour garder ta pureté.
Quant à ton cheval, c'est un dragon qui vivait autour de ma grotte et qui a été
condamné à passer une existence de cheval sur terre pour avoir endommagé des
récoltes de paysans. Quand tu reviendras chez toi, relâche ce cheval au bord de
la rivière Wei et il reprendra sa forme de dragon ». A son retour, Xu Xiyan
s'aperçut que sur terre s'étaient déjà écoulés soixante ans depuis son départ.
Après avoir libéré son cheval, lui-même partit vivre caché au mont Kuanglushan
et disparut sans qu'on sache ce qu'il était devenu.
Xu Xiyan nous montre
que l'immortalité n'était en fait qu'une longévité sous forme d'esprit : on y
parle de mille ans. Ainsi peut-on voir une différence fondamentale entre le
bouddhisme et le taoïsme. Pour le bouddhisme, l’idéal est d'échapper au moi et à
son cycle de réincarnations pour se fondre dans le nirvana et
l'indifférenciation, tandis que celui du taoïsme est de conserver son existence
individuelle au-delà de la mort physique, mais cette immortalité n'est qu'une
longévité puisque même l'esprit le plus purifié de tout ce qui meurt finit par
se dissoudre et ne plus exister en tant qu'unité spécifique.
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