La légende du dragon de Zhenjiang

Du côté de la Porte ouest de la ville de Zhenjiang, se dresse une montagne appelée mont du Dragon Blanc. Tous les jours , à minuit, raconte-t-on des nuages tout noirs s'amoncellent d'est en ouest autour de la montagne pour se disperser à l'aube dans le sens inverse. Une légende explique ce curieux phénomène :
  Autrefois, cette montagne ne portait pas ce nom de Dragon Blanc, elle s'appelait Changshan. C'était une grande montagne qui se dressait entourée de nuages dans le ciel , couverte de toutes sortes de fleurs et de plantes; il y vivait, près d'une dense forêt de pins et de cyprès, un caméléon géant.

Celui-ci, après s'être pendant quelques millénaires exercé à la pratique de la perfection, se transforma en un Dragon terrestre, capable de se métamorphoser en une jolie fille toujours vêtue de blanc, d'où le nom actuel de la montagne.

Le troisième jour de la troisième lune est l'anniversaire de la Reine Mère céleste, et à cette occasion tous les dieux et Déesses sont invités à déguster dans le Palais céleste du vin et des pêches. Cette année-là, le Dragon Blanc, promu Déesse terrestre, eut l'honneur d'être invité. Il rencontra en chemin le troisième Prince du Dragon Aoguang, roi de la mer Orientale. Jeunes tous deux, ils lièrent vite conversation :
- Où allez-vous?
- A l'anniversaire de la Reine Mère céleste.
- Où est-ce que vous habitez?
-Sur le mont Changshan, et vous?
- Dans la mer orientale.

Ils bavardèrent ainsi tout le long du chemin, parfois en plaisantant. Leur familiarité s'accrut à mesure que s'approfondit la conversation. Au moment de de quitter, le Prince de la mer dit à son compagnon :
- Puis-je te rendre visite demain?
- Je ne demande pas mieux.

Le lendemain, de très bonne heure, le Prince sur un nuage, arriva au rendez-vous. Changés l'un en beau jeune homme, l'autre en une jolie fille, ils tombèrent très vite amoureux l'un de l'autre. Leur amour ayant grandi avec le temps, ils en vinrent à échanger des voeux de fidélité éternelle et à espérer se marier au plus vite.

Or, l'alliance entre dieux terrestre, océanique et céleste était proscrite par la cour céleste. Il se trouvait que le Prince de la mer, s'il était privé d'eau, courait le risque de perdre la vie. C'est pourquoi, à chaque fois qu'il se rendait chez sa bien-aimée, les environs du mont Changshan se couvraient de pluie et de vent.

l'Empereur Céleste de Jade finit par être informé de ces intempéries et il envoya le dieu de Vénus en rechercher la cause. Lorsqu'il sut que le fils du roi de la mer Orientale entretenait des relations amoureuses avec le Dragon Blanc, il fut pris de fureur et convoqua le père, auquel il administra une dure réprimande.

Le père ainsi admonesté ne tarda pas à emprisonner son fils insolent. Mais comme dit le dicton, le corps peut bien être enfermé, mais non le coeur. Mis en quarantaine, il n'en restait pas moins amoureux de sa bien aimée. C'était la même chose pour elle. Ils finirent par s'étioler tous les deux à force de penser l'un à l'autre.

Le roi de la mer Orientale, père de l'écroué, voyant que l'emprisonnement ne suffisait pas à faire changer d'idée à son fils, prit le parti de s'y prendre autrement. Il le fit entourer d'un bon nombre de Déesses océaniques plus belles les unes que les autres. Mais le Prince, fidèle, demeurait de glace, suppliant qu'on lui accorde la liberté de choisir son épouse.

Le père, saisi d'une colère impuissante, finit par dire :
- L'eau et la montagne étant incompatibles, te marier avec le Dragon Blanc, Déesse terrestre, constituerait une transgression des lois céleste. La punition n'atteindra pas que toi, toute la famille court le risque d'être condamnée à la peine de mort. Toutefois, je puis t'autoriser à lui rendre visite entre dix heures du soir et cinq heures du matin mais à condition de n'emporter ni vent ni pluie.

Se déplacer sans pluie ni vent était pour lui chose impossible. L'autorisation de son père ne visait qu'à lui montrer l'impossibilité de sa demande, le jeune Prince, n'ayant d'amour que pour elle, s'affola encore plus. Il finit par tomber malade.

Un jour, allongé dans son Palais de cristal, tourné du côté de la montagne, il poussa un long soupir.
  A ce moment un coq à cinq couleurs apparut d'un pas léger. Il se dirigea vers le Prince et lui dit gentiment:
- Cher Prince, ne vous tracassez pas. Vous n'avez qu'àm'emporter dans votre voyage et je vous signalerai l'heure du départ et du retour. Votre père ne pourra rien faire.

Attendri par ce geste d'amitié, le Prince se sentit tout à coup à moitié remis de sa maladie. Il dit en caressant les plumes du coq :

- Mon cher ami coq, il n'y a que toi qui me comprennes.

Puis il se retourna du côté de la montagne et soupira de nouveau à l'idée de l'impossibilité, en dépit du concours du coq, de se déplacer sans vent ni pluie.

Un cheval accourut et lui dit :
- Cher Prince, ne vous angoissez pas trop. Je vous transporterai volontiers chez le Dragon Blanc. Votre père ne pourra rien faire.

A ces propos, le Prince de nouveau se sentit beaucoup mieux. Il caressa la robe du cheval en disant :
- Mon cher ami, mon père ne sait point où est attaché le coeur de son fils. Toi, tu es bien mon ami intime. Le lendemain, avant l'aube, le Prince monta secrètement sur le cheval portant le coq dans les bras et se dirigea vers la montagne. Alors, des nuages ténébreux, d'est en ouest, entourèrent la montagne. Arrivé chez sa bien-aimée, il attacha le cheval à un grand pin et déposa le coq sur un monticule près de la montagne.

Après trois ans de séparation, ils étaient émus jusqu'aux larmes l'un et l'autre de se revoir et avaient mille et une chose à se raconter. Mais bientôt à l'approche de l'heure du retour, le coq lança son signal. Le Prince, à contrecoeur, reprit le coq et regagna à cheval son Palais.
  A partir de ce jour, les deux amoureux se retrouvèrent, quoiqu'en catimini, pour leur rendez-vous quotidien. Mais le père, soupçonneux, finit par s'apercevoir que son fils, bizarrement, ne parlait plus de choisir une épouse. Il se mit à le surveiller.

Comme tous les jours, le Prince s'apprêta à se rendre à son rendez-vous avec le concours du coq et du cheval. Son père le suivit de loin et vit son fils embrasser sa bien-aimée.

Emporté de fureur, il lui envoya un coup brutal et fit tomber la cage du coq dans la vallée, actuelle vallée de la Cage du coq. Puis il sortit son épée et décapita le cheval, dont il ne resta plus que la forme d'une selle, d'où le nom de la Montagne de la Selle.

Le Mont Changshan, lui aussi, changea de nom, c'est l'actuelle Montagne du Dragon Blanc. Deux vers se répandirent peu à peu :
A l'est du Dragon Blanc, la Cage du Coq,
A l'est de la Cage, la Montagne de la Selle.
Les nuages ténébreux qui se déplacent toutes les nuits aux environs de la montagne du Dragon Blanc, sont, dit-on, l'incarnation du cheval décapité qui transporte le Prince amoureux à son rendez-vous quotidien avec la Déesse adorée.

Mais qu'est-il donc advenu du coq ? Il a été jeté dans la vallée mais, si l'on prête bien l'oreille, on peut encore l'entendre chanter. 

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